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n’élimine l’éphémère, ne tend à l’abstraction. Un portrait, pour le XIIIe siècle, ne saurait être qu’une proposition générale légèrement modifiée par quelques accents particuliers ; l’idée pure se teinte à peine d’éléments plus terrestres. On la profanerait par un détail plus matériel. Tel a vécu le moyen âge : les idées lui cachent la nature.

C’est ainsi : ne sommes-nous pas tous des aveugles volontaires ? N’avons-nous pas aussi des yeux pour ne point voir ? Dans le regret déchirant des êtres que nous pleurons, n’entre-t-il pas le chagrin de la part d’inconnu qu’ils emportent avec eux, et du secret éternel qu’ils ne diront jamais ? N’y a-t-il pas en chaque homme un mystère que nul n’a percé, parce que nous sommes distraits, légers, inattentifs, et que nous avons devant les yeux un voile d’illusions, un tissu de mensonges qui nous dérobe la vie ?

Parfois pourtant le tissu s’écarte, le voile se soulève : un éclair de réalité déchire les conventions. C’est le propre du grand artiste qu’il fasse jaillir de ces lueurs qui montrent le fond des choses. L’une d’elles effleure le saint François de Subiaco. Cette fresque sommaire, inexacte, fautive, a le mérite suprême : elle a l’accent de la vie, l’indéfinissable rayon que n’arrive pas à dégager le procès-verbal de Celano. Et puis, le voile fatal retombe plus lourdement. De nouveau la convention, la formule, la routine reprennent leur empire. Je n’ai pas le courage de revenir sur les vingt simulacres, d’une barbarie rebutante, où se défigure et se pétrifie, jusqu’à la parodie et à la caricature, l’image du Poverello. Je ne ferai même que nommer celles de ces icônes (à Assise, à Santa Croce), où l’on imagina d’ajouter dans les marges, comme des gloses en petit texte, un choix de scènes de la légende, quelquefois jusqu’à vingt, qui forment autour de la figure