Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des surfaces. Or, ce nouveau principe dans la construction en implique un semblable dans la décoration. L’architecte d’Assise avait-il son idée, lorsqu’il amplifiait, lorsqu’il élargissait démesurément ses murailles ? C’était le génie italien qui agissait en lui : il préparait à son insu ces vastes étendues planes et ces calmes superficies qui étaient nécessaires à ses peintres futurs. Une prévoyance instinctive disposait tout pour l’avenir. Le champ s’ouvrait qu’allait remplir l’imagination italienne, celui que demandaient le tour de son esprit, la forme de ses idées. Giotto n’était pas encore, et déjà l’Italie pensait à Giotto.

Quatre ou cinq générations travaillèrent pendant cent ans aux peintures d’Assise. Les plus anciennes peuvent dater de 1250 ; les plus récentes sont du XIVe siècle. Cette œuvre séculaire a été une œuvre nationale : tout un peuple a collaboré au prodigieux ensemble. Trois ou quatre écoles s’y succèdent ou y concourent : Rome, Florence, Sienne, se partagent la tâche. Leurs œuvres s’enchevêtrent sur les voûtes et dans les chapelles. Elles soulèvent pour la critique une foule de problèmes. Parfois à demi anéanties, l’œil scrute et interroge passionnément leurs restes. Là sont en effet les archives de l’âme italienne. Sous ces ruines se cache le secret de la Renaissance.

Je n’aborderai pas ici cette question. Dans l’énorme Bible en images que comprend, en effet, la basilique d’Assise, j’écarte volontairement tout ce qui ne touche pas à mon objet. Nous avons déjà vu dans quel sens les Mendiants transformèrent l’architecture. Il nous reste à voir de quelle manière ils ont modifié les représentations sacrées, l’idée qu’on se faisait des choses religieuses et la façon de les exprimer. Ce sera le sujet des deux prochaines leçons. Dans celle-ci, qui leur servira d’introduction, nous chercherons à reconnaître la part qui revient