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haut du jubé. Mais une chaire fixe, conçue comme faisant corps avec l’architecture, ne se rencontre guère qu’à dater de l’entrée en scène des Mendiants. Une des plus anciennes, avec celle d’Assise, est celle des Jacobins de Toulouse. C’est une petite niche avec une balustrade, pareille à la chaire du lecteur dans les réfectoires conventuels ; on y accède par un escalier pratiqué dans la muraille[1]. Et sans doute, ceci n’est qu’une conjecture ; mais ne peut-on se demander si le développement des chaires dans les cathédrales, aux environs de 1260, et l’idée de les décorer de bas-reliefs de la Passion, ne résultent pas du renouveau de la prédication ? N’est-il pas frappant que la première œuvre importante de la sculpture italienne, celle de Nicolas et de Jean Pisani, soit justement la double chaire du baptistère de Pise et du dôme de Sienne ?

Un second fait, plus important encore par ses conséquences artistiques, c’est la volonté des fidèles qui se firent enterrer dans les églises des Mendiants, et le nombre infini de ceux qui désirèrent dormir là leur dernier sommeil. Par la même sympathie qui les avait liés toute leur vie à ces églises bienfaisantes, ils pensaient que leurs dépouilles seraient mieux là pour y attendre le jour suprême. Dès le XIVe siècle, le sol des églises franciscaines et dominicaines fut littéralement pavé de tombes. Aujourd’hui encore, on y marche, on s’y agenouille, on y prie sur les morts. Leurs dalles à demi effacées jonchent çà et là les nefs ; leurs figures y gisent en désordre, comme des dormeurs fatigués s’étendent dans un champ par une nuit de moisson. Ils passent là leur temps de mort, bercés par le murmure des prières familières[2].

  1. Viollet-le-Duc, Dictionnaire de l’Architecture, t. III, art. Chaire.
  2. Rien de plus touchant que les testaments des fidèles enterrés dans l’ancienne église des Cordeliers d’Oxford. Cf. Little, The Grey Friars in Oxford, Oxford, 1892. En 1430, Robert Keneyshame, bedeau de l’Université, veut être enseveli « in the midst between the two altars beneath the highest cross