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une autre ? De quel droit limiter à une forme unique la faculté de l’exprimer ? Et n’y a-t-il qu’une langue pour balbutier le divin ? Quelle délicatesse prend à certains critiques, sur la pureté chrétienne du génie italien ? Que leur importe ? Et qui donc les en a faits juges ? Étrange manie de vouloir que l’ogive soit religieuse et que la ligne droite ne le soit pas ! Pourquoi n’y aurait-il de chrétien que le gothique, et de mystique que le barbare ? L’ogive, système de voûtes, sert indifféremment à voûter n’importe quel espace ; elle n’a par elle-même aucun sens spirituel. Le moyen âge couvrait ainsi un réfectoire, une salle d’armes, un palais de Justice, une halle, un hôpital ou un hôtel de ville… Quelle niaiserie d’attacher le sentiment à une formule !

Le sentiment chrétien ! J’ose dire que celui-là n’en a pas complètement éprouvé la tendresse, qui n’a pas erré quelque jour sur le pavage de briques d’une église déserte de Toscane ou d’Ombrie, et n’a pas promené longuement ses regards sur ces murailles nues et veloutées par les siècles. Nulle part peut-être l’atmosphère n’est plus douce et plus vraiment suave. Nulle part on ne sent mieux l’intimité du christianisme, ce je ne sais quoi de divin et de familier tout ensemble, cette paix enchanteresse qui ne se respire que là. Quelle absence de pédantisme ! Quel manque de rigueur ! Quel sens poétique des espaces ! Quelle liberté intérieure ! Qu’il est doux de s’y abandonner, et comme la rêverie y devient la prière ! Qui donc a imprimé à ces parois dépouillées une grâce si touchante ? D’où naît le charme de leur vaste silence ? Elles n’ont qu’un jour égal qui vient de derrière l’autel : il est sans drame ni inquiétude, mais non pas sans mystère ; une confiance vous enveloppe comme d’une caresse. Les toits ne sont que des poutres, mais cette charpente ingénue rappelle l’étable de Bethléem, et sa rusticité a