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a souvent, comme dit Burckhardt, quelque abus de l’algèbre et de l’échafaudage ? Ces géomètres enflammés ne se sont-ils pas quelquefois enivrés de leurs équations ? N’y a-t-il pas chez eux un peu de vertige logique ? Je suis sensible autant que personne au charme de nos églises françaises ; j’en admire, tout comme un autre, le porte-à-faux sublime ; on est transporté de ces prodiges d’équilibre et de virtuosité. N’est-il pas permis d’y regretter un peu de scolastique ? C’est une belle chose qu’une fugue de Bach, mais après ces triomphes d’ingéniosité, comme une simple mélodie, un air sans accompagnement, semblent rafraîchissants ! En faut-il tant pour plaire ? Tant de savoir est-il indispensable à la beauté ?

Il semble que certains arts, comme certaines musiques, se trouvent dépréciés, un peu discrédités, de ce qu’ils sont produits avec facilité. On dirait que l’effort ajoute au prix de l’art, lui donne plus de mérite et quelque chose de plus moral. « Je ne joue, disait Ingres, que de la musique vertueuse, celle qui a de bonnes mœurs. L’Italienne n’en a que de mauvaises. » Et pourtant, une belle phrase est-elle moins immortelle pour être de Rossini que pour être de Wagner ?

Je ne trancherai pas cette question insoluble, mais elle a été parfaitement indiquée, en ce qui concerne l’architecture, par le Parisien Jean Mignot parlant aux Milanais. Les Milanais ne venaient pas à bout de construire leur Dôme. En 1399, ils firent venir ce Mignot, qui examina tout et fit un rapport très sévère. En même temps, il proposait un « corrigé » de l’édifice. Les architectes milanais l’admirèrent, le trouvèrent très fort, et ne le suivirent pas. « Alors, pourquoi m’avoir demandé mon avis ? » s’écria le Français. Les autres dirent ce mot profond : « La science est une chose et l’art en est une autre ». — « L’art, répliqua Mignot, sans la science