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Mais qu’importe ?

Il est vrai, les Italiens n’ont pas fait du gothique : mais s’ils avaient fait autre chose ? Si leur génie, réfractaire au génie du Nord, avait transformé, adapté, presque sans le vouloir, peut-être sans le savoir, ce qu’il a reçu de nous, pour le recréer selon son humeur indigène ? Il est clair que l’église elle-même d’Assise n’a qu’un déguisement ogival ; c’est déjà du gothique décomposé, dissous, et dont les éléments retournent en une combinaison nouvelle. Si le gothique est un système de poids et de soutiens, où les supports se réduisent aux colonnes et aux nervures, et dont l’idéal est l’amincissement progressif et la suppression des murailles, — l’architecte d’Assise a manifestement fait une œuvre toute différente, où les surfaces pleines l’emportent sur les vides, et où ce sont les murs qui jouent le rôle essentiel. — Si le gothique est un faisceau de forces ascendantes, une façon de jeter en l’air, de diviser et de répartir à l’infini les pesées, l’architecte d’Assise a fait une œuvre, tout italienne, qui impose par ses lignes paisibles et la sérénité des masses. De même que le gothique est un élan vertical, de même l’art italien tend à l’horizontale, comme vers son repos.

Je ne comprends pas la colère avec laquelle certains érudits de chez nous parlent de ce malheureux gothique italien. Écoutez plutôt M. Enlart : « L’austérité de l’ordre de Cîteaux n’avait fait qu’épurer l’architecture ; la pauvreté des ordres mendiants sut la rendre misérable. » On dirait que l’Italie a fait quelque chose de déloyal ; on lui reproche une sorte de trahison archéologique. Blasphémerai-je ? Depuis que le moyen âge français est devenu un dogme, c’est presque une impiété que d’avoir des regards pour ce qui n’est pas lui. Je serai donc cet hérétique. N’est-il pas vrai que, chez nos gothiques, il y