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rager la reconnaissance des fidèles et leur bonne volonté ? Comment refuser la dîme du riche et le denier de la veuve ? Le mouvement était irrésistible.

En dépit des défenses et des efforts des fondateurs, en dépit de l’opposition farouche des Spirituels, malgré les décisions, les restrictions et les entraves apportées par la règle à la permission de bâtir, malgré la surveillance et le contrôle des inspecteurs, — les frères suivirent leur destinée : ils grandirent avec le flot qui les portait. Les règlements qui limitaient l’élévation des murs, interdisaient les voûtes, prohibaient les marbres, les statues, les mosaïques, les peintures[1] eurent le sort commun à toutes les lois somptuaires. Il en résulta une infinité de tracasseries, et peu d’effet réel. Partout le législateur se trouva débordé. À la fin du XIIIe siècle, les Prê-

  1. Constitutions de saint Bonaventure, dites Constitutions de Narbonne, datées de 1260, et réglant la « fabrique » des églises.

    « VIII. Défense de voûter les églises (testudinatae ecclesiae), excepté au-dessus de l’autel, et avec l’autorisation du général.

    « IX. De transformer les églises en monuments de curiosité (hélas !) au moyen de peintures d’ornement, de vitraux, de colonnes, comme aussi au moyen de dimensions trop grandes.

    « XVI. De séparer le clocher de l’église.

    « XVII. De faire des fenêtres coloriées et ornées de figures, à l’exception de la fenêtre principale, derrière le maître-autel, laquelle pourra contenir les images du Christ en croix, de la Vierge, de saint François et de saint Antoine.

    « XVIII. De placer sur l’autel ou ailleurs des tableaux de prix ou de curiosité. S’il y en a de faits, les enlever. Toute infraction sera sévèrement punie, et les chefs qui auront désobéi devront être cassés sans pitié.

    « XXI. Ôter les encensoirs, crucifix, vases d’or ou d’argent, excepté les crucifix à reliques, ou encore l’ostensoir et le calice qui conservent le Saint-Sacrement ; et désormais, ils devront être d’un travail plus simple, et d’un poids ne dépassant pas deux marcs et demi. »

    Les admonitions de saint François étaient beaucoup plus rigoureuses :
    « Un fossé, une haie, rien de plus ; pas de mur en l’honneur de la Sainte Pauvreté et Humilité ; des cabanes de boue et de bois ; des églises toutes petites, et ni la prédication, ni aucune autre considération ne doivent amener les frères à construire des temples grands et richement ornés ».

    La bulle du 22 mars 1222 dit aux frères : « Nous vous accordons licence de célébrer en temps d’interdit dans vos églises, si vous venez à en avoir ». Preuve qu’en 1222, ils n’en ont pas encore. D’autre part, on conclut de là à la rapidité du mouvement, puisque S. Francesco de Sienne, S, Croce de Florence, Saint-Antoine-de-Padoue, sont commencés entre 1230 et 1240.