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frères trouvèrent à résoudre, et dont la solution n’alla pas dans chaque ordre sans de graves difficultés : à savoir, comment on pourrait concilier la nature de l’art et la doctrine de la pauvreté.


I


Bâtir est un luxe. On ne fait rien pour rien. L’argent est le nerf de la construction. Pour amasser les fonds nécessaires aux frais de la basilique, des collectes furent organisées par Élie parmi les frères de la chrétienté ; un tronc de marbre fut disposé pour recueillir les offrandes sur l’emplacement choisi pour la future église et le couvent qui devait lui être annexé.

    bien digne d’une science pédantesque, qui s’est fait de la vie une idée si étroite, que tout ce qui l’excède lui semble monstrueux, et que le génie lui-même devient une infériorité ou une infraction aux règles de la nature !

    On peut trouver que le moyen âge, avec son idée toute contraire du « don » et de la « grâce », avait une opinion infiniment plus haute de la nature humaine et de ses facultés. Toujours est-il que les stigmates, jusqu’au XVIIe siècle ont passé pour le symbole même de la personnalité morale de François, pour le certificat de son rapport particulier avec Jésus. Il semble cependant que certaines Églises aient élevé des difficultés. Celle de Portugal, l’église scolastique et universitaire de Bologne, n’admirent pas sans résistance un prodige si exceptionnel. Il est permis de soupçonner que l’animosité des Prêcheurs, envieux d’un privilège que les Mineurs exaltaient d’ailleurs sans modestie, ne fut pas étrangère à ces querelles. Les stigmates de sainte Catherine de Sienne, la grande tertiaire dominicaine, parurent à l’Ordre entier une revanche des stigmates de saint François. Ce fut le début d’une nouvelle ère de disputes. Le premier soin de Sixte IV, le pape franciscain, le pape de la Sixtine et de la Vaticane, fut de fulminer une bulle prohibant toute représentation de nouveaux stigmatisés, et affirmant le monopole des stigmates de saint François (Cf. Mortier, Histoire des Maîtres-Généraux, IV, p. 504). Cette mesure ne fit qu’irriter la colère des Prêcheurs. Une plaisanterie de couvent, relatée dans une note de l’Alcoran des Cordeliers (édit. d’Amsterdam, 1734, I, p. 7). montre jusqu’où allait le ressentiment de l’Ordre vexé. Il paraîtrait, d’après ce récit, que Dominique, dans une altercation avec François, aurait stigmatisé ce dernier à coups de lardoire. Je ne rapporte ce conte, espèce de « pendant » burlesque à l’histoire du baiser, que pour montrer l’état d’esprit de certains couvents à la fin du XVe siècle, et le ton qu’y avaient pris les plus nobles rivalités. Encore Bayle fait-il observer que l’auteur de l’Alcoran aurait bien fait de citer ses sources.