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vicaire général de l’ordre, qui porta la nouvelle à la connaissance des frères. Après une page ou deux d’oraison funèbre et de regrets, le ton change brusquement et l’auteur s’exprime en ces termes :

« Et maintenant, mes frères, je vous annonce une grande joie et une merveille. Depuis l’origine du monde, on n’a pas vu un pareil signe, excepté chez le fils de Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Peu de temps avant sa mort, notre frère et père est apparu crucifié, portant imprimées dans sa chair cinq plaies qui sont vraiment les stigmates du Christ. Il avait aux mains et aux pieds comme des pointes de clous, qui traversaient de part en part et qui étaient mobiles dans leurs quatre cicatrices, d’aspect noirâtre et toutes pareilles à de véritables clous ; son côté était perforé d’un trou de lance, qui souvent suppurait du sang. »

Élie ajoute que le mort devint tout de suite très beau, que ses membres contractés recouvrèrent leur souplesse, et il conclut :

« Bénissons donc, mes frères, le Dieu du ciel ! Confessez-le bien haut, puisqu’il a daigné opérer parmi nous sa miséricorde : et conservez pieusement la mémoire de notre père et frère François, à l’honneur et gloire de Celui qui le magnifie entre les hommes et qui le glorifie à la face même des anges. »

L’effet de cette lettre fut extraordinaire. Le prodige de l’Alverne mettait saint François au-dessus de tous les fils des hommes. Il apparut dès lors comme une créature à part, investie par une grâce spéciale d’un privilège unique. Seul de tous les saints, il avait reçu les marques ineffables, le seing ou le sceau même du Christ : il était devenu un second exemplaire, un double de Jésus[1].

  1. On ne saurait exagérer, au point de vue qui nous occupe, l’importance capitale de ce miracle des stigmates. Pour le moyen âge, ce fut là, sans l’ombre d’un doute, la cause de la gloire incomparable de François. L’idée d’un