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humaine, ces allures de vagabond, de ménestrel et de héros, cette imagination, ce délire d’amour qui rendent irrésistible la figure de l’autre ; il lui manque d’avoir sur ses traces fait éclore des Fioretti ; il lui manque la gentillesse exquise des « Femmes de neige », le miracle des roses, la famille animale, le petit cortège ailé, sautillant, frémissant, d’agneaux, de lièvres, d’alouettes, de perdrix, de cigales, au milieu desquels apparaît la fine silhouette, par un grêle avril ombrien, comme dans un Paradis peint par un Primitif. Saint Dominique n’a pas fait le Cantique du Soleil. Il n’offre pas ce mélange inouï de sensibilité et de passion, d’optimisme et de tendresse, d’aristocratie raffinée et de génie populaire, qui fait de saint François — toute sainteté à part (si cela est concevable) — le plus merveilleux poète qui ait jamais vécu.


III


Mais à quoi bon poursuivre ? Dante l’a bien compris : quels que soient les génies divers des fondateurs, leurs œuvres sont solidaires, elles sont inséparables :

… Però che d’ambedue
Si dice l’un pregiando, qual ch’uom prende,
Perche ad un fine fur l’opere sue.

Non seulement elles eurent la même « fin », mais des causes semblables et une même origine. Ces deux créations jumelles sortent simultanément des aspirations et des besoins du siècle. On disserte sur leur originalité. Qu’est-ce à dire ? Nul ne conteste, que je sache, celle de saint François : pourtant sa tentative, en un sens, n’est pas neuve ; l’idée était dans l’air ; l’idéal de « pieux laïcisme » dont on lui fait honneur, était déjà celui des