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habitués à l’opposition. Ils avaient naturellement contre eux l’esprit bourgeois, l’instinct propriétaire, les légistes, les classes nanties[1]. Le xvie siècle leur est décidément hostile. L’humanisme professe le plus profond mépris pour cette plèbe religieuse. Il en déteste les guenilles, l’ignorance et la crasse. Érasme et Rabelais criblent les moines de sarcasmes. L’Église les soutient mal. Le concile de Latran menace leurs privilèges[2]. Puis, il y avait eu des scandales : l’affaire des Prêcheurs de Berne, celle des religieuses de Lisbonne[3]. Par-dessus tout, il y avait eu la Réforme. Les Mendiants ont été la bête noire des protestants. Je ne rappelle que pour mémoire leur Alcoran des Cordeliers[4] : mais lisez, si vous en avez le

  1. Cf. la satire des ordres nouveaux, attribuée à Pierre de la Vigne, dans Ed. du Méril. Poésies populaires latines du moyen âge, 1847, p. 153-177 ; voir également les critiques de Matthieu Paris, Historia Major, éd. Wats, Londres, 1640, p. 222, 339 et suiv. ; le Dit des Cordeliers et le Dit des Jacobins, dans les poésies de Rutebeuf, édit. Jubinal, 1873, t. II, et Clédat, Rutebeuf, p. 76 et suiv. ; enfin, la diatribe de Jean de Meung contre les Ordres Mendiants, dans le Roman de la Rose, v. 11073-11879 ; V. Le Clerc, Discours sur l’état des lettres au XIVe siècle, 1865, t. I, p. 130 et suiv.
  2. Cf. Hergenroether, Histoire des conciles, t. VIII, p. 813 et suiv. ; Raynaldi, Annal. Ecclesiast., t. XII, col. 90 et suiv., 130 et suiv. ; Mortier, Histoire des Maîtres Généraux, t. V, p. 204 et suiv.
  3. Sur le procès de Berne (affaire Jetzer, 1507-1509), cf. M. Paulus, Ein Justizmord an vier Dominikanern begangen, Francfort, 1897 ; R. Steck, Die Akten des Jetzerprozesses nebst dem Defensorium, Bâle, 1904 ; R. Reuss, Le procès des Dominicains de Berne, Rev. de l’Hist. des religions, t. LII, septembre-octobre 1905. — Affaire des stigmates de sœur Marie de la Visitation, au couvent de l’Annonciation à Lisbonne (1584-1588), cf. Mortier, loc. cit., t. V, p. 631 et suiv.
  4. Der barfüsser Mönch Eulenspiegel und Alcoran, mit einer Vorrede Martini Luther, par le Dr Erasme Alber ; la première édition a paru sans lieu ni date, la seconde à Wittemberg en 1541, la troisième à Francfort l’année suivante ; une traduction française par Conrad Badius, à Genève, 1556 ; deuxième livre, par le même, en 1560. Édition collective, Genève, 1578. Édition illustrée de figures par Bernard Picard, Amsterdam, 1734, 2 vol. in-12o. Cf. Brunet. Manuel du libraire, t. I, p. 151 ; Graesse, Trésor des livres rares, 1869, t. I, p. 57.

    On sait que cet ouvrage n’est qu’un extrait du fameux livre des Conformités de Barthélémy de Pise, écrit en 1399 et publié à Venise (s. d.) et à Milan en 1513. L’auteur se borne à découper le texte, un des plus délicieux monuments de la poésie au moyen âge, et à déposer au bas de chaque page une pelletée d’injures. Il y aurait mauvaise grâce à relever aujourd’hui ces ridi-