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sait des paroles suppliantes : « Mon Fils, ayez pitié des hommes que vous avez sauvés, et que votre justice se tempère de douceur. » Il répondait : « Ne voyez-vous pas les outrages qu’ils me font ? Ma justice peut-elle les laisser impunis ? » Elle reprit : « Vous savez tout. Voici par où vous ramènerez les hommes. J’ai un bon serviteur que vous enverrez au monde ; il prêchera votre Évangile ; et les hommes convertis vous appelleront leur Rédempteur. Je lui donnerai pour l’aider un autre de mes serviteurs, et ils travailleront ensemble pour la gloire de votre nom. » Alors le Fils reprit : « Ma mère, votre vue fait tomber ma colère ; cependant montrez-moi ceux que vous destinez à un si grand ouvrage. » Alors Notre-Dame présenta à Notre-Seigneur Jésus-Christ saint Dominique et saint François : et il la remercia, et loua ses serviteurs.

Cependant saint Dominique dévisageait dans son extase cet ami inconnu. Le lendemain matin, il le rencontra à l’église. Il reconnaît aussitôt l’ami de sa vision, il court à lui, l’embrasse et le baise tendrement : « Le voilà, s’écrie-t-il, celui que Dieu m’envoie ! Allons, luttons ensemble, personne ne nous résistera. » Et il se mit à lui conter sa vision de la nuit, et tous deux devinrent un seul cœur et une seule âme dans le Seigneur, — ce qu’ils voulurent que leurs frères fissent toujours à l’avenir.


Cette légende a été reproduite cent fois par les peintres et les sculpteurs : Frà Angelico la représente dans son tableau de Cortone, Frà Bartolommeo la place au fond de son tableau du Louvre, mais personne ne lui a donné autant de poésie qu’André della Robbia, dans son merveilleux bas-relief de la Loggia de San Paolo, à Florence. Et ce souvenir n’a pas vécu dans les seules œuvres de l’art. Il s’est inscrit encore dans la liturgie dominicaine. Je voudrais pouvoir vous citer la noble page de Lacordaire, sa description de la fête du fondateur de l’ordre, célébrée chaque année à Rome en l’église de la Minerve, en présence du gardien franciscain de l’Ara Cœli, solennellement prié à cette occasion avec ses frères : page