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aux acteurs sacrés leur costume idéal ; mais tous les rôles secondaires, des prophètes aux Mages et d’Hérode à Caïphe, affectaient une grande liberté avec les exigences de la couleur locale[1]. Madeleine était habillée comme une demoiselle à la mode, avec le long hennin et le corselet fuselé, et personne n’y trouvait à redire. Les peintres se conformaient à cet usage. Ce n’est pas, comme on l’a cru, faute de savoir ce qu’ils faisaient : nos pères étaient naïfs, mais ce n’étaient pas des imbéciles ; ils avaient des idées aussi claires que bien des modernes sur l’Orient et l’exotisme, et la preuve en est qu’ils mêlaient continuellement les deux manières[2]. Quand Fouquet représente la scène de l’Adoration des Mages en montrant Charles VII aux pieds de la Sainte Vierge, ou quand il place le Calvaire sur le plateau de Montrouge, il ne lui échappe pas qu’il donne une chiquenaude à l’histoire ; mais il ne croyait faire en cela nulle violence à l’Évangile : il séparait nettement l’archéologie de la religion, la lettre et le sens de l’Écriture. Quelques prédicateurs avaient beau protester : en vain Savonarole tonne contre la coutume des artistes qui peignent la Vierge sous les traits de leurs femmes ou de leurs maîtresses[3], et donnent pour spectateurs, comme Ghirlan-

  1. Mâle, L’Art religieux à la fin du moyen âge, p. 54.
  2. R. de la Sizeranne, La Modernité de l’Évangile, dans Le Miroir de la vie, 1902, p. 178 et suiv.
  3. Le passage est connu.

    « Vous sacrifiez à Moloch, c’est-à-dire au diable !… Quelles sont les idoles qui règnent à Florence ? Dès qu’une femme a marié sa fille, elle s’empresse de l’exhiber avec ostentation, parée comme une nymphe, et tout d’abord elle la conduit à Santa Liberata (c’était le nom de la cathédrale, aujourd’hui Sainte-Marie-de-la-Fleur).

    « Voilà, continue le prophète, les idoles que vous mettez dans mon temple. Ces images que vous faites peindre dans les églises sont les images de vos dieux, et les jeunes gens disent ensuite en voyant telle ou telle : « Voici Madeleine, voilà saint Jean. » Ah ! peintres, vous agissez mal. Si vous saviez ce qui s’ensuit, comme je le sais, moi qui vous parle, vous ne feriez plus de