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exemples dans cent maisons des Mendiants[1]. La Cène de Milan orne le réfectoire de Sainte-Marie-des-Grâces. Goethe, dans une page lumineuse, expose cette pensée.

Nous avons vu dans nos voyages, il y a bien des années, cette salle encore intacte. Vis-à-vis de l’entrée, sur le côté étroit, au fond de la salle, était la table du prieur, et de part et d’autre, les tables des moines, toutes élevées d’une marche au-dessus du plancher ; et, quand le visiteur se retournait, il voyait sur la quatrième muraille la quatrième table, peinte au-dessus des portes peu élevées ; à cette table, le Christ et ses disciples, absolument comme s’ils avaient fait partie de la société. Ce devait être, à l’heure du repas, un remarquable coup d’œil que ces deux tables du Christ et du prieur en regard l’une de l’autre, et celles des moines comprises entre elles. Ce fut pour l’ingénieux artiste une raison de prendre comme modèles les tables des moines, telles qu’il les trouvait.

Et sans doute la nappe, avec ses plis froissés, ses rayures ouvragées et ses franges a été prise dans la lingerie du couvent ; les sièges, les assiettes, les coupes et tous les autres ustensiles sont également imités de ceux dont les moines se servaient.

L’artiste n’a donc nullement visé à se rapprocher d’un costume antique incertain. Il eût fait une grande maladresse d’étendre en ce lieu la sainte assemblée sur des coussins. Elle devait être rapprochée du présent ; le Christ devait célébrer la cène chez les Dominicains à Milan[2].

Or, il s’était glissé dans la peinture du xve siècle l’habitude de représenter les scènes de l’Évangile comme des faits contemporains. C’était un procédé qui venait des Mystères : le vestiaire de la Bible devait y être d’une rare richesse, mais d’une extrême fantaisie. On laissait

  1. Cf. Mortier, Histoire des Maîtres-Généraux, t. I, p. 612. On trouve quelquefois des représentations humoristiques. À Gratz, c’était un chien, assis sur son derrière, et qui faisait le beau. Ibid.
  2. Goethe, Œuvres, traduct. Porchat, t. X, p. 402.