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et sans s’interrompre de frapper : « Qu’est-ce que ça vous fait ? cria-t-il. C’est mon frère ! »

Cette fraternité, on peut dire que les Mendiants n’en ont jamais perdu le souvenir. Il y a au musée du Louvre une prédelle florentine, qui provient sans nul doute d’une de leurs églises. Au centre du paysage, on voit le Christ en jardinier, aux pieds de qui se prosternent deux « pénitents » célèbres, la Madeleine et le roi David. Aux deux extrémités, deux personnages solitaires, dont l’un est saint Pierre de Vérone, le grand martyr dominicain, et l’autre, nu, un bâton à la main, bizarrement accoutré d’une ceinture de feuilles, est, paraît-il, l’anachorète saint Onuphre. Enfin, dans les deux intervalles, deux couples sont disposés avec une symétrie remarquable : à gauche, ces deux femmes qui s’embrassent représentent la Visitation ; mais à droite, deux moines se serrent sur le cœur l’un de l’autre ; l’un est vêtu de bure, il a les mains stigmatisées, l’autre a la tunique blanche sous le scapulaire noir : c’est la rencontre de saint François et de saint Dominique. Quelle importance a donc cette scène, pour être mise en parallèle avec la rencontre des saintes femmes qui portent dans leur sein Jésus-Christ et son Précurseur ?

Il s’agit d’un épisode bien connu de la vie des saints fondateurs. Le voici, tel que le rapportent les Vies des frères de l’Ordre dominicain, de Gérard de Frachet.

Un frère mineur, très pieux et très digne de foi, qui avait été l’un des premiers compagnons de saint François, fit à ses frères le récit suivant, que l’un d’eux communiqua à notre général.

Saint Dominique était à Rome, pour obtenir de Dieu et de Notre Saint Père le Pape la confirmation de son ordre. Une nuit que, selon sa coutume, il était en prières, il eut une vision : Jésus-Christ lui apparut debout et menaçant, et brandissant trois lances. Sa mère tombait à ses pieds et lui adres-