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bon juge en la matière, l’auteur du Temple de la peinture[1], nous assure que « qui n’a pas vu le Sépulcre de Varallo, ne sait pas quelles sont toutes les ressources et quel est le dernier mot de l’art de peindre ». Au surplus, quand il serait vrai que ce critique fît erreur, et que l’artiste en quelque chose se fût écarté du goût, je lui pardonnerais encore. N’en déplaise aux pédants, c’est l’art qui est fait pour l’homme, et non l’homme pour l’art. Qu’importe que les règles soient un peu bousculées, si l’œuvre atteint son but ? L’art religieux ne doit pas se juger d’après le beau absolu. Si l’artiste a donné aux pâtres de la contrée, aux vachers que l’hivernage fait descendre des montagnes, le sentiment de s’être un peu rapprochés de leur Dieu et d’avoir assisté aux scènes de l’Évangile, — c’est assez : il a fait tout ce qu’il prétendait faire. Qui de nous voudrait voir, sous prétexte de purisme, disparaître les bergers de plâtre, les rochers de carton et le Jésus de cire qu’on expose à Noël dans un coin de toutes les paroisses ? Combien ne leur doivent pas leurs meilleures émotions d’enfance, et ce qui reste encore, dans leur piété vacillante, de la petite flamme qui s’est allumée là dans le fond de leur cœur ?

III


Transportons-nous maintenant à l’autre extrémité de la vallée du Pô. Là encore, chemin faisant, sur la route de Venise, nous rencontrons dans les provinces des artistes locaux, des maîtres éminents, consommés dans leur art, et qui pourtant semblent étrangers à l’esprit de

  1. Lomazzo, Idea del Tempio della Pittura, Milan, 1590 ; 2e édit. Bologne, 1785, p. 37, 42, 47. « Onde chi non ha veduto quel sopolcro, non può dir di sapere che cosa sia Pittura, e qual sia la vera eccellenza di lei ».