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son expression la plus pure, éprouve une répugnance marquée pour les représentations de la souffrance physique. Elle semble partager, devant un Dieu qui revêt les misères de la chair, devant un crucifié saignant et pantelant, l’embarras de l’ancien art chrétien. Mais il y a une différence. Ce que la Renaissance redoute d’humilier par la douleur, ce n’est plus la divinité, c’est l’homme. Elle nous procure des jouissances libérales, plutôt que des émotions pieuses. Il est clair que Raphaël n’a jamais poursuivi un but édifiant. Son art nous donne sujet de nous glorifier. On sort de chez lui avec une bonne opinion de la nature humaine. Il écarte avec soin tout ce qui en avilit et en dégrade la forme. Il est rare qu’il excite la pitié. Dirai-je que c’est à peine encore du christianisme ? Rien n’échappe davantage à l’appréciation. Mais nous avons là-dessus un témoignage irrécusable, le témoignage de Michel-Ange.

Celui-ci, dans un des précieux Dialogues, — véritables « interviews » notés par le miniaturiste Francisco de Hollanda, — vient à parler de la peinture allemande ou flamande, et explique pourquoi toute sa perfection ne l’empêche pas d’être un art inférieur. « La peinture

    riées [des capuchons de chanvre] et, à grands cris, se donneront à eux-mêmes la torture » (ibid., p. 359). Le martyre, dont les images avaient fait les délices du moyen âge, fait horreur à la Renaissance.

    Cependant cet ennemi des moines, les fréquente, travaille pour eux : il peint la Cène et la famille de Ludovic le More à Ste-Marie-des-Grâces ; la Vierge aux rochers de Londres fut peinte pour les confrères de l’Immaculée Conception, à S. Francesco de Milan (ce qui prouve que, vers 1490, l’iconographie du sujet n’était pas encore arrêtée) ; on trouve dans l’ouvrage de Richter (t. I, p. 354) le programme d’un tableau contenant sept saints franciscains, avec leurs attributs : François, Antoine, Bonaventure, Louis, Bernardin, Elisabeth et Claire. On ne sait d’ailleurs si ce tableau fut jamais exécuté. — Michel-Ange lui-même avait fait un Saint François recevant les stigmates (Vasari, t. VII, p. 149) : cet auteur et Varchi en rapportent un peu différemment l’histoire. Le tableau, œuvre de sa jeunesse, se trouvait autrefois à S. Pietro in Montorio ; il a disparu aujourd’hui. Celui qu’on montre à la place n’a rien de commun avec Michel-Ange. Cf. Thode, loc. cit., t. I, p. 164.