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conservent plus longtemps les vieilles mœurs. Les habitudes chassées des villes par les idées modernes, le goût des spectacles pieux et des anciens « mystères », reculent et se réfugient dans ces pays moins accessibles[1]. En même temps, par les vallées, les cols, les grandes routes du Gothard et du Simplon, on communique avec l’Alsace, la Souabe, la Bourgogne, les Pays-Bas. Il se produit un va-et-vient, un échange continuel. Les deux versants, des Alpes fraternisent. La Passion de Varallo rappelle à tout moment les estampes allemandes[2] : elle ne ressemble à rien tant qu’à certaines pages de Hans Baldung ou de Burgmair.

L’auteur a-t-il poussé une pointe en Allemagne ? Aura-t-il simplement utilisé quelques gravures ? On ne peut, dans l’art de cette époque, tenir compte trop exactement de ce genre d’influences. Fra Bartolommeo, Raphaël, Titien, ont étudié, copié Schongauer, Altdorfer, Dürer[3]. On ne peut, d’autre part, exagérer le rôle des Mendiants dans la diffusion du nouveau procédé. Tout de suite, ils y ont reconnu un merveilleux moyen de propagande, et qui cadrait complètement avec leur méthode d’enseignement par l’image. Ce sont eux qui ont fait la fortune de la machine de Gutenberg et qui l’ont répandue et propagée dans toute l’Europe. Sans eux, l’avenir de l’imprimerie était retardé d’un demi-siècle. Les premières presses florentines sont des presses dominicaines ; parmi les plus anciennes éditions romaines, on recherche celles

    fresques (trente et une scènes) de la Vie de Jésus, par Gaudenzio Ferrari à Sainte-Marie-des-Grâces de Varallo, datent de 1511-1513 ; la Passion de Luini (à Sainte-Marie-des-Anges, Lugano) est de 1529.

  1. Cf. Roy, Le Mystère de la Passion en France, p. 416 et suiv.. à propos du Jugement de Modane.
  2. Cf. Halsey, loc. cit., p. 8 ; Wyzewa, loc. cit., p. 175 et suiv.
  3. Müntz, Histoire de l’art pendant la Renaissance, t. I, p. 331-339 ; t. II, p. 178-182 ; Raphaël, 2e édit., p. 86, 548 ; Thausing, loc. cit., p. 359 ; Max Lekrs, Jahrb. der königl. preuss Kunstsamml., t. XII, 1891, p. 125.