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vante qui couche et tord là-haut ces formes de Titans. — Puissance de la beauté ! Qui de nous lit Savonarole ? Et qui se souviendrait de lui, sans quelques chefs-d’œuvre auxquels se trouve liée sa mémoire, et qui font vivre encore, dans l’art de Frà Bartolommeo, de Raphaël ou de Michel-Ange, la figure fanatique du moine incendiaire ?

II


Mais, tandis qu’à Florence, à Rome, la réaction religieuse n’obtient que ces résultats douteux, elle trouvait ailleurs un terrain plus favorable. Les provinces du Nord de l’Italie sont à quelques égards plus voisines de l’Europe que du reste de la péninsule. La pensée y est en rapports constants avec la nôtre ; elle s’y mélange à tous les degrés, à tous les étages différents de la montagne et de la plaine. Au point de vue de l’art, il en résulte les combinaisons souvent les plus curieuses et les plus originales.

Voici l’école milanaise. Cette école, pour presque tout le monde, se réduit à celle de Léonard. Parce qu’un homme de génie est venu à la cour de Ludovic le More et a peint à Milan un incomparable chef-d’œuvre, on ne voit plus que lui ; et chez les moindres élèves de son Académie, chez un Ambrogio da Predis ou un Marco d’Oggiono, on s’obstine à chercher ce qu’ils ont pu dérober du mystère de la Joconde. Le touriste qui passe à Milan, déçu par les dehors modernes de la ville, court jeter un regard sur la ruine immortelle de Sainte-Marie-des-Grâces, et se sauve en hâte d’une cité italienne envahie par la banalité, sans se douter des trésors d’art que recèlent ces apparences médiocres.

Le fait est qu’il y a, dans la ville et aux environs, toute