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de 1498. C’est le fameux autodafé si connu sous le nom de « Brûlement des vanités ». Ce genre d’holocaustes était de tradition dans les campagnes des Mendiants. « Saint Bernardin avait brûlé des « vanités »[1]. On dressait un bûcher immense ou talamo sur la place de la Seigneurie. Le matin du sacrifice, des bandes d’enfants passaient aux portes des maisons, et faisaient la réquisition des objets condamnés. Il y en avait sept catégories : 1o vêtements impudiques ; 2o statues et tableaux indécents ; 3o cartes, dés, jeux de hasard ; 4o instruments de musique ; 5o articles de toilette ; 6o livres luxurieux ; 7o masques, déguisements, dominos, accessoires de bals et de fêtes. Ces objets maudits étaient placés artistement sur les sept étages du bûcher et brûlés en grande pompe au chant des psaumes et des cantiques.

Il n’est pas douteux que beaucoup d’œuvres innocentes, d’un caractère simplement profane, n’aient été immolées pêle-mêle avec des impuretés notoires. Les dames croyaient bien faire de jeter au feu leurs portraits. Il y avait tant de choses de prix, qu’un Juif de Venise — Shylock ? — proposa un marché : il offrait vingt mille écus de cette énorme brocante. Pour toute réponse, on installa sa caricature dans un beau fauteuil au sommet de l’échafaudage, et il brûla en effigie comme Empereur des vanités.

Voilà le forfait de Savonarole. On l’accuse là-dessus d’un crime de contre-Renaissance, d’une tentative scélérate et impie contre la beauté. Voyons un peu. D’abord, mettons hors de question les trois quarts de la liste des choses réprouvées : ce bric-à-brac et cette friperie pourraient avoir leur intérêt ; mais le fait du sacrifice a bien

  1. À Bologne, en 1424. Cf. Thureau-Dangin. Saint-Bernardin de Sienne, 1896, p. 85. Voir également Burckhardt, La civilisation en Italie au temps de la Renaissance, trad. franç., 1887, t. II, p. 210 et 251.