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Je ne jugerai pas l’homme éloquent et généreux qui assuma trop volontiers le rôle redoutable de tribun populaire, et qui changea malheureusement la mission de l’apôtre et de l’évangéliste en la fonction glissante et périlleuse du prophète. Il suffit de voir, à Saint-Marc, son portrait saisissant : son front bas, l’oeil à fleur de tête, — un œil rond, trouble et injecté, d’halluciné ou de malade, — son grand nez, le nez de l’utopiste (celui de Fénelon), sa grosse bouche proéminente, avec une saillie de la lèvre inférieure, qui achève de donner à son profil la ressemblance d’une chèvre. On sent bien que cet homme, mené par les images, tout nerfs et sensibilité, n’était pas celui qu’il fallait pour la tâche qu’il accepta, de régulateur pacifique et de modérateur d’une révolution. Il fut abusé, lui aussi, par l’enthousiasme littéraire, par la lecture des prophètes et de l’Apocalypse. Il crut à la restauration de cet autre archaïsme, le régime de l’inspiration. Mais les masses qu’il avait émues devaient fatalement se retourner contre lui. Son œuvre de réaction ne pouvait être qu’éphémère ; le retour du flot un instant retiré devait anéantir comme un château de sable la fragile république du prieur de Saint-Marc.

Nous ne nous occuperons ici que de la bataille livrée

    Lucques, 1764) et de Pic de la Mirandole (publiée par Quétif, Paris, 1674, 2. vol. in-12o), une foule de travaux se sont accumulés depuis ceux de Rudelbach, Hieronymus Savonarola und seine Zeit, Hambourg, 1835, et de Karl Meier, Girolamo Savonarola, Berlin. 1836. Qu’il suffise de citer le livre de Perrens. Jérôme Savonarole, 1853, et l’ouvrage classique de Pasquale Villari, Hieronimo Savonarola e i suoi tempi, Florence, 1839-61. L’esthétique de Savonarole est exposée principalement au l. III, chap. vi ; les fragments cités dans ce morceau ont été réunis par Gruyer, Les illustrations de Savonarole et les paroles de Savonarole sur l’art, 1879, in-4o. Cf. Lafenestre, Saint François d’Assise et Savonarole, La Crise de la Beauté, 1911. — Tous ces ouvrages, sauf celui de Perrens, sont des apologies déclarées de Savonarole. Pour la thèse contraire, voir Pastor, Histoire des Papes, trad. Furcy-Raynaud, t. V, p. 191 et suiv., et la brochure du même auteur, Contribut. à l’hist. de Savoranole, trad. franc., 1898, p. 72 et suiv.