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ruine des idées les plus chères de son ancien ami, — vous reconnaissez le paradoxe : c’est le même qui oppose l’Évangile à l’Église, la religion du cœur à la théologie et au pharisaïsme. On voit se répéter, à douze siècles d’intervalle, le drame spirituel que nous représente l’auteur des Origines du christianisme.

Que penser ? Quelle conscience saint François eut-il de sa mission ? Avait-il un plan, un programme ? Il ne paraît pas avoir été un politique ; sa nature semble plutôt celle d’un agitateur, d’un divin entraîneur de consciences et de foules : les dons de l’administrateur, de l’homme de gouvernement, les facultés pratiques, en un mot, ne lui avaient pas été départies du moins au même degré. Les choses n’auraient pas tardé à se gâter. L’impulsion un peu confuse, un peu irrégulière, d’où était sorti le premier groupe franciscain, ne pouvait s’étendre sans danger qu’à la condition d’être disciplinée. On le vit bien en 1219, pendant l’expédition de saint François en Terre sainte. L’ordre livré à lui-même courait aux excentricités et aux fantaisies anarchiques. Le pape brusqua les choses. Sans cette intervention, que fût-il arrivé ? Coup d’État ! dira-t-on : mais on ne réussira pas à nous donner le change. Encadrer le mouvement franciscain, le régulariser, était-ce le confisquer ou même l’altérer ? Pour un enfant soumis et affectueux de l’Église, pour n’importe quel fidèle, mais surtout pour un homme qui porta jusqu’à la sainteté le respect du sacerdoce, laquelle était la vraie banqueroute, ou de voir son œuvre adoptée et consacrée par Rome, ou de la voir condamnée par elle ?

Cette digression me ramène à mon objet. Car il faut opter : ou se résoudre à avouer qu’il n’y a pas d’art franciscain — et alors, soit ! n’en parlons plus — ou bien cesser une bonne fois d’opposer saint François à l’œuvre issue de lui et qui porte son nom. Il n’y a pas à