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éphémère ! Jamais on ne reverra cette première fleur de la Renaissance : nous sommes encore aujourd’hui sous le charme de ce sourire. C’est déjà l’art moderne, et cependant la piété demeure encore intacte. Le cœur conserve son velouté. Quand on se promène dans l’allée du dortoir de Saint-Marc, dans le couloir sur lequel ouvrent les cellules des religieux, on y éprouve déjà toute l’allégresse du nouveau siècle ; pourtant on ne serait pas surpris d’y voir, comme dans les légendes, la Vierge faire sa ronde et bénir chaque dormeur ; et si elle détourne la tête en passant devant une des portes, ce n’est sûrement pas celle d’Angelico[1].

Un demi-siècle s’écoule. Nous sommes dans la nuit du 8 avril 1498. Le couvent est sous les armes. Le tocsin sonne à toute volée. Les frères passent en courant, avec des casques et des cuirasses. Dehors, la foule hurle avec sa face d’émeute. L’église est envahie. Un frère, de l’autel a fait une barricade. Un autre, escaladant la chaire, fusille la populace, recharge et tire sans arrêt dans le tas. La fumée empêche de voir. On casse les vitres pour donner de l’air et se battre à l’aise. Mais l’insurrection veut sa victime. La résistance est impossible. Le prieur fait son sacrifice et se livre à l’ennemi. Six semaines plus tard, le 18 mai, on jette à la rivière les cendres de Savonarole…

Comment les choses sont-elles venues à cette extrémité ? Comment se forma l’orage ? Comment le Saint-Marc, fondé par Cosme de Médicis, se tourna-t-il en adversaire de Laurent et de Pierre ? C’est ce que je vais à présent vous montrer.


    la coupole du dôme, sacristie de San-Lorenzo par Brunelleschi, tombeau de Jean de Médicis par Donatello ; en 1428, fresque de Carmine ; en 1452, la seconde porte de Ghiberti, la « porte du Ciel ».

  1. Gérard de Frachet, Vitae fratrum, édit. Reichert, p.44.