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une affection plus désintéressée. Il partage ses joies, et aussi ses souffrances — surtout même ses souffrances. Pour une confrérie de Notre-Dame de Liesse, il y en a bien dix de Notre-Dame des sept douleurs. C’est le temps qui invente le motif singulier de la Vierge aux sept glaives. Le mot de Siméon : « pertransibit gladius » prend corps. On voit le cœur de la Madone hérissé comme une pelote, de sept longues épées ou des sept rayons d’une sorte de douloureux soleil[1].

Deux circonstances contemporaines, qui prennent place aux environs de 1470, vinrent donner au culte de la Vierge une impulsion subite. L’une est l’inauguration du pèlerinage de Lorette. On apprit un jour que les anges avaient transporté, non loin de Recanati, sur les bords de l’Adriatique, la maison qu’habitait la Vierge à Nazareth. La preuve était que cette maison se trouvait assise au ras du sol, sans fondation en terre, comme un objet qu’on vient de poser. On racontait ceci. Le soir du 12 mai 1291, à l’heure où le dernier Franc, devant le flot des Sarrasins, quittait le sol de la Palestine, la sainte et douce cabane, la maisonnette où le plus grand espoir du monde avait été conçu, s’était détachée de terre et enfuie à tire d’aile du côté du couchant. C’était toujours le même désir : sauver ce qu’on pourrait du naufrage des Croisades, posséder près de soi les souvenirs des premiers jours du

  1. Cette bizarre image paraît d’origine flamande. Anal. Bolland, 1893, p. 333 et suiv. Le culte et les confréries de la Vierge des Sept Douleurs se rattachent probablement à l’action des Mendiants. Cf. la Quodlibetica decisio perpulcra et devota… de Michel François de Lille, évêque dominicain de Selimbria (Anvers, 1496) : « Hoc etiam probant antique ecclesie picture quasi libri laycorum, in quibus beata virgo filii sui corpus de cruce depositum inter brachia cum lacrimis ampleclitur, vocatur in Francia ymago beate virginis de pietate. De qua solempnis fraternitas multis gratiis et indulgentiis dotata plurimis in locis habetur, et precipue in conventu nostri ordinis opidi valencenensis, ubi aliquando prefui et proprium officium de dicta fraternitate seu beate virginis de pietate cum pulcherrima ejus tabula seu imagine vidi et perlegi. »