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C’est contre ce péril que le moyen âge s’était constitué une sorte de garde céleste, une milice de puissances, de héros tutélaires. Placés auprès de Celui qui possède les clefs de la vie et de la mort, ces bons génies de l’homme retenaient la main du Tout-Puissant, retardaient la sentence, obtenaient le sursis nécessaire au salut. Un saint, à qui l’automobile et les dangers qui en résultent, viennent de rendre un regain inattendu d’actualité, saint Cristophe, passait pour préserver de la mort subite ; on peignait ou l’on sculptait dans les églises, près de la porte, bien en vue, souvent même à l’extérieur, sa gigantesque, débonnaire et rassurante figure.

Christophorum videas, hodie tutus eas.

On entrait un moment, on marmottait un oremus, et on allait tranquille pour le reste de la journée[1]. Sainte Barbe dut sa fortune à une vertu semblable. On admirait en cette jeune fille la fermeté théologique, le courage intrépide d’une martyre de la vérité ; on connut un beau jour qu’elle avait reçu en outre le privilège inestimable de garantir à ses fidèles les sacrements in extremis. Elle détournait la foudre. Les campagnes fondaient son image sur les cloches. Sanctifiées par cette image, les pulsations de l’airain sacré, agité en tocsin d’alarme contre la tempête imminente, dissipaient le tonnerre au sein même des nuages. L’invention de la poudre étendit le culte de la sainte. Celle qui écartait l’éclair et conjurait l’orage, ne pouvait-elle défendre du feu de l’arquebuse et des décharges de l’artillerie ? C’est ainsi que sainte Barbe

  1. Le « grand image de Mgr saint Christophe », à l’entrée de la nef de Notre-Dame de Paris, fut donné en 1413 par Antoine des Essarts, sire de Glatigny. Cf. Corrozet, loc. cit., p. 131 ; — Gueffier, Description historique de l’église de Paris, 1773.