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les Origines de la Renaissance est le point de départ de cette esquisse, celui de M. Mâle sur l’Art de la Fin du Moyen Âge l’a seul rendue possible. J’avais à cœur de lui payer cette dette de gratitude et de respect.


I


Saint François d’Assise est à cette heure un des saints les plus populaires. Son lieutenant saint Antoine a peut-être une clientèle plus nombreuse : si j’osais, je dirais qu’il fait mieux ses affaires. Mais, débarrassée par là même de sa fonction professionnelle, la figure du saint patriarche s’éclaire d’un rayonnement nouveau. Elle dépouille en quelque sorte son caractère confessionnel. Elle n’est pas moins chère au protestant libéral qu’à la communion catholique. Le pèlerinage d’Assise attire tous les ans un plus grand nombre de dévots. Les artistes racontent les scènes de la légende. On ne parle du Poverello qu’avec attendrissement. Il y a même pour cela un développement de « style ». Michelet, dans deux pages brûlantes, a indiqué le thème[1], que Renan a repris

  1. En 1833, dans l’admirable deuxième volume de son Histoire de France. L’article de Renan, qui fait partie de ses Nouvelles études d’histoire religieuse, a paru pour la première fois en 1855, à propos de la traduction française du Saint François de A. von Hase, publié l’année précédente.

    Il y aurait à ce sujet une curieuse étude à faire : ce serait l’histoire de la récente popularité de saint François, ou de la manière dont on a conçu sa figure dans les trois derniers siècles. On sait qu’elle a subi une sorte d’éclipse. Humanistes et protestants ont, au XVIe siècle, voué à saint François une haine acharnée. Je dirai plus loin (Xe leçon) un mot de leur fameux pamphlet, l’Alcoran des Cordeliers. Je me borne à rappeler que Luther n’a pas dédaigné d’en écrire la préface : ceci pour les critiques modernes qui font de saint François un précurseur de la Réforme.

    C’est pour remettre les choses au point qu’il n’est pas inutile de rappeler la tradition des docteurs protestants. Chose curieuse ! Saint Dominique a été bien moins maltraité. Le XVIe siècle ne s’était pas encore avisé de nos idées humanitaires : il ne s’indignait pas des bûchers de l’Inquisition. Per-