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saurait méconnaître le puissant enchaînement et l’harmonie majestueuse.

À côté de cette grande idée, qui restaure, en quelque manière, l’unité de la Renaissance, l’auteur n’a-t-il pas exagéré et légèrement faussé le rôle personnel du patriarche d’Assise ? Ne lui arrive-t-il pas de « prêcher pour son saint » ? On pourrait aussi souhaiter que son livre fût plus « européen », je veux dire que le sujet en fût moins circonscrit à l’étude de l’Italie. C’est un reproche que j’adresserais à presque tous les travaux issus de celui du Dr Thode. La méthode contraire a ses inconvénients : elle nous obligera à beaucoup de raccourcis ; nous serons forcés de parcourir un peu à vol d’oiseau tant de pays divers ; mais nous aurons l’avantage de mieux voir les ensembles, et nous prendrons moins facilement la partie pour le tout. De même, au risque d’empiéter sur la période suivante, il m’a paru intéressant de suivre le mouvement religieux des Ordres Mendiants dans toute la durée de son évolution, c’est-à-dire tant qu’il a eu quelque action générale et que cette action s’est signalée par des œuvres artistiques. Je voudrais essayer de le saisir à ses débuts, d’en marquer la nature, d’en décrire la courbe et le trajet, pour ne le quitter qu’au moment où il retombe épuisé et cesse d’avoir un rôle ou une existence distincts.

Je ne me dissimule pas ce qu’un pareil dessein offre de téméraire ou de présomptueux. S’il n’est pas entièrement chimérique, c’est aux admirables travaux de M. Émile Mâle que j’aurai l’obligation du peu que j’en réaliserai. Je n’ai pas à louer devant vous ce maître, un de ceux qui honorent les études françaises, à la fois artiste et savant, dont l’érudition ne fait que servir le sentiment, et chez qui le scrupule le plus sévère ne gêne ni ne paralyse l’imagination, le goût, la poésie. Si le livre de Thode sur