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tique. Lui-même nous raconte ses promenades nocturnes où, une croix sur l’épaule, il allait de chapelle en chapelle dans l’église de son couvent, se figurant qu’ici était la maison de Pilate, plus loin celle de Caïphe, et suivant la voie douloureuse depuis le prétoire jusqu’au tombeau[1].

Mais plus belle encore est l’histoire d’une religieuse portugaise. Cette sœur, étant dans le siècle, avait fait vœu d’aller en Terre sainte ; et quoique les vœux monastiques annulent les vœux de dévotion, elle était rongée de scrupules. Survint un jubilé, qui accordait aux confesseurs le pouvoir de commuer les vœux de toute espèce ; la moniale, toujours inquiète, obtint que le sien fût converti en un pèlerinage spirituel. Il fut convenu que, pendant un an, elle vivrait à la chapelle, se traînant d’autel en autel, et identifiant chacun d’eux en esprit aux lieux qu’elle avait souhaité de voir en réalité.

La veille du jour fixé pour son départ fictif, l’imaginaire pèlerine prit congé de ses sœurs et cessa désormais de leur parler ou de leur répondre. Elle prenait ses repas furtifs au réfectoire, après les autres, et couchait sur la pierre, dans l’église ou le cloître, à la place où elle gisait lorsque sonnait la cloche. Le dernier soir, elle s’agenouilla devant le Saint-Sacrement, les bras levés comme une orante ; à l’aurore, on la retrouva dans la même attitude ; elle était déjà froide et son visage resplendissait. Mais le fait le plus singulier se produisit à quelques jours de là. Un pèlerin se présenta au guichet de la maison, demandant des nouvelles de la sœur Maria

  1. Œuvres du bienheureux Suso, trad. Cartier, 1878, p. 40 et suiv. — Même chose rapportée du Bienheureux Alvaro, dominicain († 1420) ; Barbier de Monlault, Œuvres, t. VIII, p. 152. De même encore la Bienheureuse Eustochium, Clarisse de Messine († 1491) ; cf. Thurston, loc. cit., p. 17-18. — Notez que la dévotion du Chemin de la croix, depuis le xviie siècle, est propre à l’ordre franciscain qui, d’accord avec le Saint-Siège, en a réglé le détail ; de même le Rosaire est « propre » à l’ordre dominicain. Barbier de Montault, t. VIII, p. 94, 152 et suiv.