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nographie nouvelle. Des dogmes s’élaborent ; bientôt se dessine la réaction contre les nouveautés. Cette histoire offre peu de sujets plus importants. Commençons par les dévotions concernant Jésus-Christ.


II


Vous avez vu sans doute, dans le crépuscule incertain de quelque chapelle funéraire, un groupe impressionnant. Ce sont de grands fantômes de pierre qui environnent un sarcophage. Ils sont ordinairement sept ou huit, trois hommes et quatre femmes, sans compter la figure centrale, celle du mort paisible qu’on dépose sur sa couche funèbre. Deux des hommes, personnages robustes et massifs, en habits de marguilliers cossus, à l’air sérieux et bourgeois, tiennent vigoureusement la tête et les pieds du linceul ; le poids du cadavre infléchit doucement le suaire. Tous les autres acteurs rangent de l’autre côté, comme une haie de tristesses, leurs figures empreintes d’un désespoir muet.

Au centre, une femme âgée, le visage décomposé par la souffrance, se tient debout, mains jointes et prête à défaillir : un jeune homme attentif la porte à demi dans ses bras ; à tant d’accablement, de courage et de chagrin, on la reconnaît : c’est la mère, — Stabat. Ses compagnes, plus jeunes, se lamentent, tendent ou tordent leurs mains, avec des gestes de détresse, d’impuissance et de pitié ; leurs visages ruissellent de larmes en silence. La scène se passe toujours dans une obscurité douteuse, souvent dans une sorte d’alcôve ou de caveau, dont la pénombre pathétique donne à ces êtres solennels une apparence de vie étrange, presque inquiétante. On attend qu’ils aient achevé leur lugubre besogne, qu’ils se réveillent de la