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qui possédera l’autel le mieux orné, les plus belles statues, les plus belles verrières. C’est un concours de luxe et de dévotion. L’art a perdu en elles le plus généreux des Mécènes. Les papes, les monarques, ont moins fait pour lui que ces multitudes de bourgeois, de tâcherons et de manants.

Mais, comme on se ressent toujours de ses origines, l’art créé par les confréries se reconnaît à certains signes. Ce public n’était pas un juge très difficile, il se contentait à bon marché. Rien n’est plus inégal, au point de vue du goût, que les œuvres issues de ce milieu ; il y en a de magnifiques ; le plus grand nombre ne dépasse pas l’imagerie populaire. Deuxièmement (conséquence du génie particulariste) il ne faut plus attendre de ces petites sociétés les grandes entreprises collectives qui avaient fait la gloire de l’âge héroïque des communes. Le xve siècle ne construit plus de cathédrales ; il se borne à y ajouter çà et là une chapelle. Il ne conçoit guère de ces larges ensembles impersonnels où viennent se fondre, dans un unisson grandiose, toutes les idées, toutes les voix d’une cité et d’un siècle. L’esprit de clocher qui anime ces mille coteries interdit les vastes efforts.

De plus, les œuvres notables sont rarement payées aux dépens de la caisse commune ; un confrère riche, un bourgeois, un chevalier, un chanoine, fait un don de ses deniers à la chapelle de la confrérie. C’est en général un vitrail, un tableau, une statue, un morceau séparé. Enfin, le génie même de chaque confrérie pousse l’art au démembrement. On se dévoue à un saint, quelquefois à un aspect, à un point déterminé de la vie de la Vierge ou de Jésus ; on honore telle ou telle souffrance particulière ; on se spécialise dans telle méditation ; le travail d’analyse souvent décrit plus haut, se poursuit, s’organise au sein des confréries. — En peu de temps, sort de là une ico-