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nature, et trouvant que les misérables et les chétifs que nous sommes n’ont pas trop de toutes leurs forces alliées pour supporter ou adoucir la cruauté de la vie.

Tel est le sentiment qui présida dans toute l’Europe à la création des confréries dévotes. Les plus répandues, dans le Midi, étaient des confréries de pénitence. Dans nos pays du Nord, leur objet est plutôt social et pratique[1]. Nos saints nationaux, de vraie race française, un saint Martin, une sainte Geneviève, une Jeanne d’Arc, un saint Vincent de Paul, sont toujours des personnes actives et utiles : le pur mysticisme a chez nous peu de chances de succès. Mais, avec quelques nuances, c’était toujours le même programme : fréquentation des sacrements, culture de la vie, de la fraternité chrétiennes. La Toscane, l’Ombrie, appelaient ces œuvres « miséricordes » (et comment ne pas se souvenir, à ce propos, de la frise admirable de Jean della Robbia à la façade de l’hôpital de Pistoie ? ) ; Venise les baptisait écoles ou scuole. Mais le plus beau de leurs titres est celui qu’on leur donnait en Normandie, le nom de « charités ». Il y avait des Pénitents de toutes les couleurs : pénitents blancs, pénitents noirs, pénitents gris, pénitents bleus ; il y en avait même de verts, de rouges et de violets : on les appelait ainsi d’après leur uniforme[2]. Cet uniforme était un sac, une longue robe tombant jusqu’aux pieds, serrée d’une corde à la taille ; sur la tête se rabattait une cagoule en pain de sucre, percée de deux trous pour les yeux ; et une large ouverture, sur le dos et les épaules, laissait à nu la peau, pour y appliquer la discipline[3].

  1. La confrérie de Pénitents blancs instituée par Henri {rom-maj|III|3}} à l’église des Grands-Augustins, en 1583, n’a eu qu’une durée éphémère.
  2. Hélyot, Histoire des ordres monastiques, t. VIII, p. 260 ; — Le Masson, Le Calendrier des confréries de Paris, 1621. édit. Dufour, 1875. p. xlii.
  3. Madone des Disciplinati de San Domenico (1447), au musée de Pérouse,