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paru naguère sous le badigeon à Meslay-le-Grenet, près de Chartres. D’autres se trouvent encore, plus ou moins délabrées, à Lübeck, à Metnitz, à Berlin, à Reval et ailleurs. Mais ces reliques précieuses ne semblent qu’à demi à leur place dans une église ; il leur manque leur vraie atmosphère, la présence de la mort et l’horizon d’un cimetière.

On les retrouve à Rouen, à l’Aître Saint-Maclou. C’est un cloître quadrangulaire, entouré d’une galerie de bois à un étage. Cette galerie, aujourd’hui vitrée, sert aux classes d’une école primaire. On aperçoit aux fenêtres les cornettes des bonnes sœurs, et des voix de petites filles épellent en chœur, en traînant. La cour des récréations est l’ancien cimetière. Naguère, la moindre pluie d’orage déchaussait le sol meuble et y faisait rouler et luire d’innombrables graviers : des dents.

Chacune des colonnes de bois, à moulures du XVIe siècle[1], qui supportent l’étage, présente un couple de statuettes qui forment un anneau de la chaîne des morts. Une frise sculptée décore l’architrave. Ce sont des emblèmes funéraires, des tibias liés en X, des crânes, les ustensiles des obsèques, le bénitier, le goupillon, la truelle, la pioche. Chacune de ces images vous jette une pelletée de terre sur le cœur.

Cet ossuaire provincial respire tout de même une sorte de bien-être. On se ferait, ce semble, à l’idée d’y dormir. Ce devait être bien autre chose que le cimetière des Innocents, le fameux cimetière parisien où fut exécutée l’aînée des danses macabres, et d’où le menaçant monôme s’élança sur le monde[2]. Le lieu était bien digne de cette

  1. L’œuvre date de 1527. Cf. Langlois, loc. cit., p. 381.
  2. La prétendue Danse macabre de Minden (Westphalie), qui daterait de 1383 et fut considérée comme la première de toutes (Peignot, Recherches historiques sur les Danses des Morts, 1826), n’est qu’une allégorie sans le