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dont Jacques de Voragine a fait la touchante fable de Barlaam et de Josaphat[1]. Elle a enchanté le moyen âge. L’idée de la mort, en effet, fut la pensée centrale de cette trouble époque. Tout nous y achemine au cours de ces leçons. C’est par là que je termine cet aperçu du xve siècle. Ce sentiment, malgré les fautes et les malheurs du temps, fait sa moralité, son charme de poésie. L’émoi jeté par la grande Peste ne contribua pas peu à rendre cette préoccupation commune et familière. Le Triomphe de la Mort passe, non sans raison, pour un reflet de cette terreur. Le même fond d’idées se trouve à l’origine de la Danse Macabre.

J’expliquerai tout à l’heure ce qu’était la danse macabre. Commençons par lui rendre son cadre et la replacer dans son milieu.

Çà et là subsistent quelques-unes de ces œuvres étranges[2]. Une fresque rustique s’écaille dans la mélancolique grisaille de la bretonne Kermaria[3], une seconde achève de s’évanouir sur le rugueux granit d’Auvergne, dans la sépulcrale Chaise-Dieu[4] Une troisième a réap-

  1. Leg. Aur., ch. clxxx, Cf. G. Paris, Poèmes et légendes du moyen âge, 1899, p. 181 et suiv. La légende de Barlaam se trouve quelquefois sculptée sur les tombeaux. Cf. l’article de Mlle Louise Pillion, Revue de l’Art, novembre 1910.
  2. Langlois, Essai historique sur les Danses des Morts, Rouen, 1851 ; — Dufour, La Danse macabre du cimetière des Innocents, 1874, p. 100 ; — Seelmann, Die Tötentänze der Mittelalters, Leipzig, 1891.
  3. Kermaria-Nisquit (Notre-Dame du Bon-Secours, Côtes-du-Nord). Cf. P, Chardin, Peintures murales de Kermaria-Nisquit, dans les Mémoires de la Société des Antiquaires, 1886 ; — L. Bégule, La chapelle de Kermaria-Nisquit, 1909. — Quelques figures d’une Danse des morts apparaissent sous la chaux, au transept de la charmante église de Kernascleden (Morbihan). On n’aurait qu’à gratter l’enduit pour découvrir, dans cette église si remarquable par ses peintures, une des Danses les plus complètes qui nous soient parvenues.

    Des traces d’une autre restent visibles dans la curieuse chapelle de Saint-Germain, à Querqueville (Manche). — Autres exemples signalés par M. Masseron, Les Danses des Morts de France, dans le Correspondant du 10 novembre 1910, p. 527. — Nombreuses traces en Provence, entre autres un joli panneau dans la sacristie du village du Bar, près de Grasse (renseignement communiqué par M. André Hallays).

  4. Jubinal. Explication de la Danse des Morts de la Chaise-Dieu, 1841.