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sionné qu’apportaient les ordres nouveaux. J’ai fait, déjà la dernière fois, plusieurs allusions à la peste de 1348, celle qu’on appelle encore la grande Peste ou la Peste noire[1].

L'an mil trois cent quarante neuf,
De cent ne demeuraient que neuf.

Ce dicton populaire, dans sa sécheresse naïve, en apprend plus que de longues pages sur l’effroi persistant que l’année funeste laissa après elle dans les âmes. De toutes les variétés de maux qui accablent notre espèce, aucune n’égale l’horreur des grandes épidémies. Rien ne répand parmi les peuples de plus vives alarmes, n’imprime dans leurs souvenirs de plus ineffaçables traces.

Je ne décrirai pas longuement le fléau. Le mal, comme toujours, arrivait d’Orient. De Gênes ou de Pise, où des navires l’apportèrent, la contagion en un instant envahit la Toscane, la Provence, se propagea le long des fleuves, gagna, dévasta toute l’Europe. La course du fléau, ses bonds furent terribles. Il fit rage pendant dix-huit mois. À Marseille et à Carcassonne, les couvents furent dépeuplés ; à Montpellier, sept frères seulement survécurent. À Béziers, il restait un vivant sur vingt-cinq. À Paris, on comptait quatre cents décès par jour. Rouen, Florence perdirent chacune cent mille âmes. On estime à vingt-cinq millions le nombre total des victimes de la « mort noire ».

Ces crises de mortalité, qui en quelques semaines

  1. Michon, Documents inédits sur la grande peste de 1348, Paris, 1860 ; Gasquet, The Great Pestilence, Londres, 1893 ; Denifle, La Désolation des églises, monastères et hôpitaux en France pendant la guerre de Cent Ans, Paris, 1899, t. II, p. 57 et suiv. ; Perdrizet, Vierge de miséricorde, p. 187 et suiv. Cf. encore Olivier de la Haye, Poème sur la grande peste, éd. Guigue, Lyon, 1888 ; Littré, Opuscule relatif à la peste de 1348 (Biblioth. de l’École des Chartes, t. II, p. 201).