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un frémissement de plus de ses nerfs surmenés et de son cœur fourbu ? Est-ce qu’une réaction ne devait pas se produire au nom de l’Art, contre un art qui sacrifie tout au désir d’émouvoir, et fait de cette idée fixe sa règle et sa raison ?

Tel est le problème qui sera l’objet des prochaines leçons. Dans celle-ci et dans la suivante, je me propose de décrire, dans ses manifestations les plus neuves et les plus frappantes, l’art pathétique et populaire, naïf et douloureux de cette étrange époque. Commençons par examiner ce qu’il a fait de l’histoire et de la morale, des représentations de l’Évangile et de l’idée de la mort. Nous verrons dans une autre leçon quelques-unes de ses dévotions favorites. Enfin, dans une troisième étude, nous assisterons à la crise qui met fin à cet art névrosé et inaugure la Renaissance. Mais avant d’entrer en matière, j’ai besoin de deux mots pour une brève explication.


I


D’où vient qu’on doive attendre jusqu’au xve siècle l’expression complète d’un génie dont les origines remontent au xiiie ? C’est d’abord qu’il y avait des résistances à vaincre. Les idées ne se présentent pas dans un milieu abstrait, comme sur la table rase. Byzantines au midi, gothiques dans le Nord, d’autres formes et d’autres écoles faisaient concurrence à la nouvelle. L’art gothique, avec sa supériorité technique, devait d’autant mieux se défendre. De là une première cause de retard et de délais.

Mais des raisons plus immédiates concoururent, au milieu du xive siècle, à mettre à découvert le germe pas-