Telle qu’une rafale furieuse, une larve farouche, une grande faucheuse sombre, aux ailes de chauve-souris, aux griffes aiguës, à tête de vieille, à longue tignasse grise flottante comme un haillon, se rue en tournoyant du ciel, avec un geste d’ouragan. Qui va-t-elle frapper ? Déjà les cadavres s’amoncellent : papes, empereurs, princes et prélats, dames et seigneurs, la campagne apparaît jonchée de ce massacre :
Che comprender no’l puo prosa ne verso.
Per molto tempo quella turba magna.
Or sono ignudi, poveri e mendici…
Tel s’étend sur la terre l’universel carnage : et les petites âmes blanches aux formes enfantines sortent des bouches tordues, arrachées par les diables ou cueillies par les anges, et cette tempête surnaturelle remplit toute l’atmosphère comme fait en novembre un tourbillon de feuilles sèches. La mort va frapper. Qui ? Au pied de la montagne, dans un maquis de ronces, un tas de gueux lamentables, estropiés, manchots, culs-de-jatte, implorent la mégère comme une libératrice : « Ah ! donne-nous, ô Mort ! fais-nous l’aumône suprême ! Donne-nous le coup de grâce ! » La cruelle est sourde à ces cris. À droite est un bosquet, un enclos d’orangers
où se balancent les fruits d’or. Là, des dames et de gentils seigneurs devisent de la gaya scienza et tiennent de doux propos aux sons du luth et de la viole. Déli-