Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« genre » évangélique, le style des paraboles et des Béatitudes.

Ces sujets, il y avait toutefois un moyen de les rendre plus pathétiques et de leur faire donner leur maximum d’effet. Ce moyen est indiqué à toutes les pages de l’Évangile. On sait combien Jésus insiste sur la peinture des fins dernières. On a dit que la valeur religieuse d’une race se mesure à l’idée qu’elle se fait de la mort. À ce compte, aucune religion ne l’emporte sur le christianisme. La mort est le grand moment de l’existence chrétienne. D’autres religions y aspirent comme la nôtre : mais elles y aspirent comme à une fin, comme à un anéantissement. Pour le chrétien, c’est elle qui est le vrai commencement. Le sens de l’univers, caché tant que nous sommes sur ce versant de la vie, se découvre à l’instant où nous parvenons à l’autre.

Mais la mort enveloppe une nouvelle idée, celle du jugement : elle confère à l’existence sa signification et sa portée morale. Et je ne parle pas des autres conséquences qu’engendre dans le christianisme cette pensée continue : Purgatoire, valeur des prières, communion des âmes, réversibilité, échange des mérites, quelle végétation a poussé sur les tombes ! Une part importante de la prédication des Mendiants tourne sur ce pivot, sur ce gond de l’éternité qu’est l’idée de la mort. C’était le thème favori de saint Vincent Ferrier, celui avec lequel il terrorisait les villes, obtenait des conversions par centaines et par milliers. Les Franciscains eux-mêmes n’en faisaient pas un moindre usage[1]. Il y a dans un coin de

    Traité de la vie spirituelle de saint Vincent Ferrier était encore traduit en 1704 par sœur Louise de Maisons, sous ce titre significatif : « Exercices de piété pour passer chrétiennement la journée. L’esprit dont les chrétiens doivent être animés dans toute la conduite de leur vie, et ce qu’ils doivent observer pour se sanctifier dans leur travail en remplissant d’une manière chrétienne les devoirs de la vie civile. » Cf. Quétif et Echard, t. I, p. 765.

  1. Cf. dans Salimbene le portrait du fameux Fraticelle Hugues de Digne