Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’on a donné à l’un d’eux, exprime bien ce qu’on attendait de ces armes légères.

Sans doute, cette manière de faire a ses inconvénients. Elle favorise la paresse. « Dors en paix, ton sermon est fait ». Mais, d’autre part, on ne peut nier le besoin de savoir, de connaître, qui s’éveille dans les rangs de la foule. Les plus humbles veulent participer à la vie de l’esprit. La science commence à filtrer hors des cloîtres. Un de ces livres, et des plus célèbres, est à l’intention spéciale des prédicateurs pauvres. Le livre comporte des peintures, mais on en fait pour les petites bourses des exemplaires non illustrés. Les indigents pourront se contenter de la table des matières, dont il y a pour eux des tirages à part[1]. Rien de plus conforme à l’esprit du siècle des Mendiants. Ce nom touchant de Bible des pauvres, qui désigne un des plus beaux livres à images du xve siècle, est déjà trouvé au xiiie pour un recueil de rubriques et d’extraits des Livres Saints, qu’on place parmi les opuscules de saint Bonaventure[2]

    d études adressé à Philippe le Bel : « Ces abrégés et ces extraits seraient les livres portatifs (libri portativi) des étudiants pauvres ; ils rendraient même de grands services aux personnes engagées dans d’autres spécialités, comme la philosophie ou la théologie, et qui n’ont pas le temps ni la pratique indispensables pour s’orienter dans ces volumineux ouvrages ». Cf. Renan, Études sur la politique religieuse de Philippe le Bel, p. 337 ; Perdrizet, Étude sur le Speculum Humanae Salvationis, 1908, p. 130.

  1. Perdrizet, loc. cit., p. 133. Voici l’explicit de ce prologue en forme de « table des chapitres » :

    Et sic terminantur capitula libri hujus et voluminis.
    Praedictum proemium de contentis hujus libri compilavi,
    Et propter pauperes praedicatores apponere curavi,
    Qui si forte nequiverint totum librum comparare,
    Si sciant historias, possunt ex ipso proemio praedicare.

  2. Ce recueil est proprement l’« index » des matières morales de la Bible. On y trouve, dans l’ordre de l’alphabet, les passages de l’Écriture se rapportant à l’abstinence, à l’acedia, aux anges, etc. Ce dictionnaire en reproduit d’ailleurs un tout semblable, du dominicain Nicolas de Hanapes, le dernier patriarche latin de Jérusalem, mort en 1291 à la prise de Saint-Jean-d’Acre (Hist. Litt. de la France, t. XX. p. 51 et suiv.).

    On désigne généralement sous le nom de Bible des pauvres un ouvrage d’un caractère tout différent. C’est une composition d’histoire symbolique,