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du récit, est aussi bien celui de la Légende dorée. L’ouvrage est disposé de telle sorte que l’orateur n’ait qu’à puiser. Feuilletez les sermons de saint Vincent Ferrier, le grand prêcheur du xive siècle : ce sont tous les sujets de Jacques de Voragine[1]. À la chapelle des Espagnols, tandis que saint Thomas médite dans les altitudes, qu’est-ce que font donc, en face, ces missionnaires qui remportent de si prodigieux succès ? Je gage qu’ils racontent des histoires.

Voilà un premier point. En voici un second. Tous les livres dont je vous parle sont des livres de prédicateurs, faits pour eux et à leur usage. L’apostolat étant l’office principal des Mendiants, il fallait mettre entre les mains de ces troupes volantes des munitions de toute sorte. Les Sommes du xiiie siècle, ces in-folio énormes dont « chaque page est un mouton, chaque volume un troupeau », contenus à peine entre leurs ais et fixés par des chaînes au pied de leurs pupitres, étaient peu maniables. Ces grosses masses devaient être réduites à un format plus portatif. Je ne veux pas manquer de respect à saint Thomas ; je ne répéterai pas de son encyclopédie ce que Chesterfield écrivait à son fils de l’autre, celle de Diderot : « Achetez-la, mon cher, et asseyez-vous dessus pour lire Candide » ; mais cette artillerie de siège ne pouvait servir en campagne. Force était d’inventer quelque chose de plus mobile. Le xive siècle est l’époque des abrégés, des manuels, des vade-mecum, petits ouvrages qui en résument de vastes, opuscules conçus dans un esprit de vulgarisation[2]. Le titre de Pharetra, « Carquois », que

  1. Sermones de Sanctis per annum, Cologne, in-fol., 1487. C’est le quatrième et dernier volume des œuvres oratoires. Beaucoup d’autres éditions séparées : Ulm, 1477 : Lyon, 1493 (en français), 1499 (en latin), etc. Cf. Quétif et Échard, t. I, p. 763 et suiv.
  2. Tout ceci est parfaitement exprimé, dans un langage singulièrement moderne, par le chancelier Pierre du Bois dans un rapport sur le programme