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du pot au lait et celle du chien lâchant sa proie pour l’ombre, la légende de Robert le Diable et le conte des Trois anneaux ; les femmes ont un long chapitre avec leurs bavardages et leur coquetterie ; il y a l’histoire d’une Allemande que le diable retient trois jours par la pointe de son soulier, et celle d’une demoiselle de la comtesse de Montfort, qui se guérit de ses migraines en renonçant aux faux cheveux.

Et toujours, dans tous ces récits, des souvenirs personnels : « Quand j’étais à Clermont… Frère Jean de Montmirail me disait… J’ai ouï dire à une dame que j’ai connue… » C’est le ton persuasif de l’expérience et de la vie. Le discours se simplifie. La narration remplace la démonstration[1].

Démosthène ne pouvant se faire entendre des Athéniens, entama une fable : « Un jour, une hirondelle… ». Aussitôt les oreilles se dressent. Ô enfants ! s’écria l’orateur, vous désirez savoir ce que fit l’hirondelle, et vous n’écoutez pas quand je vous parle de Philippe ! » Tous les publics pourraient se reconnaître dans ce portrait. Nous sommes tous enfants, curieux et frivoles. Les idées n’intéressent guère. Qu’on commence : « Il était une fois… », — les Mille et une nuits y passeraient à la file.

Si Peau d’Ane m’était conté,
J’y prendrais un plaisir extrême.

C’est ce que l’expérience avait appris à Étienne de Bourbon, comme à saint Dominique, comme à tous les routiers et les vétérans de la chaire. Ils connaissent la puissance des fables et le génie de l’apologue. Ce tour anecdotique, vivant et familier, ce charme intrinsèque

  1. Lecoy de la Marche, La chaire française au moyen âge. Mortier, loc. cit., t. I, p. 510 et suiv.