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naisons infinies. Le moyen âge se perd dans la mystique des nombres. Le chiffre sept lui donne le vertige. On mettait les arts libéraux en rapport avec les sept arts mécaniques, les sept jours de la Création, les sept vertus et les sept vices, les sept planètes et les sept âges[1], les sept tons de la gamme, les sept heures du jour canonique. Un torrent d’harmonies jaillit de ce chiffre parfait, Berthold de Ratisbonne bâtit le monde moral sur les sept étoiles de la Grande Ourse[2]. On sombre dans le songe émerveillé de Pythagore.

Familières à l’art gothique, ces idées passent en Italie en même temps que cet art. On sculpte les arts libéraux à la base du pilier qui supporte les chaires ; on les reproduit sur les fontaines et sur les candélabres[3] ; surtout, ils apparaissent souvent sur les tombeaux, tels que le beau sarcophage de Robert d’Anjou à Naples, et sur les bronzes illustres d’Innocent VIII et de Sixte IV à Saint-Pierre de Rome. Rien de tout cela n’appartient en propre aux Prêcheurs. Sixte IV était franciscain, et le roi angevin est enterré dans une église de Clarisses. Il y a plus. Un merveilleux petit manuscrit de Chantilly, copié lui-même sur un manuscrit de l’Ambrosienne, a servi de modèle au peintre de la chapelle des Espagnols. Ces manuscrits

  1. Par exemple, dans les bas-reliefs du campanile de Giotto, admirable Légende des Siècles renfermée dans le cadre attique du médaillon. À la chapelle des Espagnols, le dossier du fauteuil où trône chacune des Sciences se termine par une petite composition triangulaire. Les sujets n’ont jamais été bien expliqués. Ruskin les a étudiés de près, mais sans réussir à les comprendre. M. Dorez croit y reconnaître les Planètes.

    À ces séries, il faudrait joindre celle des Sept Sacrements, qui forme le sujet de fresques remarquables à l’Incoronata de Naples. Ces peintures si vivantes, et qui forment parfois les plus gracieuses scènes de « genre », paraissent de l’école de Simone di Martino. Ce thème est demeuré assez exceptionnel. Cf. Venturi, loc. cit., p. 638 et suiv.

  2. Bertholds Predigten, Ratisbonne, 1906 ; Sermon XI, Von dem Wagen et Sermon IV, Von den Sieben Planeten. C’est déjà le beau mot de Kant : « Le ciel étoilé au-dessus de ma tête, et la loi morale dans mon cœur. »
  3. Candélabre du dôme de Milan ; fontaine de Pérouse ; chaire de la cathédrale de Pise, etc.