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Aimer est la raison de connaître et sa fin. Et de cette sentence, prononcée dans la région des idées, tout le reste procède et se déduit par degrés.

La partie la plus curieuse est toutefois pour nous la partie inférieure. Là se développe sur deux lignes l’assemblée des sept sciences profanes et des sept sciences sacrées, ayant toutes à leurs pieds leur principal représentant : la Grammaire et Priscien, la Rhétorique et Cicéron, la Dialectique et Aristote, la Musique et Tubalcaïn, l’Astronomie et Ptolémée [ou peut-être Zoroastre], la Géométrie et Euclide, l’Arithmétique et Pythagore. Puis, le Droit civil et Justinien, le Droit canon et Clément V, et les cinq divisions de la Théologie, jusqu’à saint Augustin aux pieds de la Polémique bandant l’arc de la controverse[1].

Tel est cet exposé superbe, un des plus admirables spectacles intellectuels que la peinture ait rendus sen-

  1. Il y a quelque incertitude sur ces dernières figures, beaucoup moins répandues que celles des Arts libéraux. Schlosser (Giusto’s Fresken in Padua, Vienne, 1896) et après lui Veuturi (loc. cit., p. 802), reconnaît la Physique, l’Histoire, l’Éthique et la Mystique : interprétation tout à fait étrangère aux habitudes d’esprit du xive siècle. Ni l’histoire, ni la physique, n’étaient alors enseignées ni regardées comme des sciences. Kraus (Geschichte der Christlichen Kunst, Fribourg, 1908, II, p. 157) voit sans plus de raison dans ces quatre figures celles des quatre « sens » de la Bible : littéral, allégorique, moral, anagogique. Sur ces représentations tirées de la Scolastique, cf. P. d’Ancona, L’Arte, 1904.

    On personnifia de même les Vertus et les Vices. Ou plutôt, dans la représentation allégorique des Vertus, une petite scène historique, placée au-dessous de chacune d’elles, symbolisa le Vice contraire. Ce système semble d’invention dominicaine. Il apparaît, à la fin du xiiie siècle, dans les manuscrits illustrés de la Somme des Vices et des Vertus, dite Somme le Roi, traité de morale composé par le frère Laurens, jacobin, confesseur de Philippe le Hardi : par exemple, dans un beau manuscrit de la Bibliothèque Nationale (franç., n° 438). daté de 1294. La Luxure est représentée, au-dessous de la Chasteté, par Holopherne et par la femme de Putiphar. On retrouve ce procédé dans les manuscrits italiens dont il sera question plus loin. La Somme le Roi fut imprimée à la fin du xve siècle par Vérard. C’est alors que le thème se répandit et reçut la forme populaire qu’on lui voit dans les Heures de Vostre et de Kerver, où chaque Vertu et chaque Vice est accompagné de la figure d’un personnage célèbre de l’antiquité. Cf. Dorez, loc. cit. ; Mâle, l’Art relig. de la fin du moyen âge, 1908, p. 361.