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deux figures de femmes qui sont l’ancienne Loi et la Nouvelle. Toute la scène veut dire que par la mort du Christ les Écritures sont accomplies : l’âge de la première alliance est révolu, la nouvelle ère commence. C’est ce que signifient encore la lune et le soleil qui apparaissent aux côtés de la tête de Jésus.

À la façade de Notre-Dame se voient deux statues singulières. L’une joyeuse, robuste, couronne en tête, sceptre en main et tenant un livre grand ouvert ; toute sa personne respire la force et l’assurance : c’est l’Église ; l’autre a les yeux bandés, son sceptre se brise, son livre se ferme, son diadème lui glisse de la tête ; ses genoux se dérobent, elle va défaillir. Celle-ci est la Synagogue. Ces deux figures se retrouvent dans toutes les cathédrales. Rien de plus délicat que la Synagogue de Strasbourg. Ce triomphe sur la Synagogue, cette victoire du Christ sur Moïse, c’est l’idée que l’Église au XIIe, au XIIIe siècle, n’est jamais lasse de reprendre et de développer.

En vertu de ce principe, il est convenu que l’histoire est un immense diptyque, une vaste fresque en partie double, et que tout ce qui s’écrit une première fois dans la Bible sous forme de « figures », se répète et s’explique dans l’Évangile ou dans les Actes sous forme définitive. Chaque fait de l’Ancien Testament se répercute mystérieusement à distance dans le Nouveau, et y prend tout son sens et sa réalité. Les héros du peuple choisi ne sont occupés qu’à faire des signes énigmatiques dont le mot ne se découvrira que plus tard, à la lueur de la Révélation. L’histoire apparaît tout entière comme une psychomachie étrange, drame divin où d’infimes comparses ne savent ce qu’ils font, où les gestes ne comptent pas, et où il n’y a de réel que la pensée du grand Chorège qui mène tout où il lui plaît, distribue les rôles à son gré et