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demoiselles d’honneur de la Vierge s’y appellent tout simplement damisellae. Ce n’est pas le style ordinaire du docteur séraphique. On a proposé d’attribuer les Méditations à un certain frère Giovanni de Gaulibus (Jean des Choux), de San Gimignano, professeur de théologie à Milan[1]. Mais l’auteur écrit quelque part : « Le Calvaire est loin de Jérusalem, comme notre couvent l’est de la porte Saint-Germain. » Voilà qui pourrait faire pencher pour un Français[2].

Ce compatriote n’est pas un penseur très puissant. Toutes les fois qu’il a des réflexions à faire, il met en avant saint Bernard. Il n’est à l’aise que quand il s’agit de décrire. C’est, comme nous dirions, un « imaginatif visuel[3] ». Il n’est souvent au reste que l’éditeur des notes recueillies sur place par des frères de Terre-Sainte, ou de révélations comme celles de sainte Elisabeth. Son récit de la Nativité est la dictée d’un frère qui le tenait de la Vierge elle-même : on ne peut vraiment pas s’informer à meilleure source. Pour toutes ces raisons, le succès fut extraordinaire. Ce livre sans prétention devint en quelque sorte un cinquième évangile, en marge des quatre

  1. Ce renseignement est fourni par Barthélémy de Pise (Cf. S. Bonav. Opéra, édit. de Quaracchi, t. X, p. 25). Les nouveaux éditeurs des Scriptores Ordinis Minorum (Quaracchi, 1906, t. I, p. 135) ne connaissent de ce Giovanni qu’un traité De Triplici via Sapientiae.
  2. Méditations, ch. lxxvii. Il est vrai qu’il écrit au ch. xiv : « Il y avait plus d’un chemin pour revenir de Jérusalem : de même que qui voudrait retourner de Sienne à Pise peut passer par Colle ou par Poggibonzi. » Et ceci semblerait indiquer un Toscan. Mais 1° les frères voyageaient beaucoup : un Italien pouvait connaître la topographie de Paris, et réciproquement ; 2° l’une des deux phrases peut être interpolée. Il parait que les manuscrits fourmillent d’additions (Cf. Perdrizet, La Vierge de Miséricorde, 1908, p. 15).
  3. Les choses les plus abstraites, il en fait des « images ». Voici comme il explique le mystère de l’Incarnation ; ce fut, dit-il, l’œuvre commune de toute la Trinité, bien que la personne du Christ fût la seule incarnée : « de la même manière que si, pendant qu’une personne passe une tunique, les deux autres, l’aidant et soutenant les manches, l’assistaient de chaque côté ». Il se représente ainsi ce mystère comme une messe, au moment où l’évêque, assisté des deux acolytes, revêt la chasuble, Médit., ch. iv.