Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la religion séraphique. Quel était au juste l’aspect physique de saint François ? Son premier biographe nous le décrit ainsi :

« Tête ronde, front petit, yeux noirs et sans malice, sourcils droits, nez droit et fin, oreilles petites et comme dressées, langue aiguë et ardente, voix véhémente et douce ; dents serrées, blanches, égales ; lèvres minces, barbe rare, col grêle, bras courts, doigts longs, ongles longs, jambe maigre, pied petit, de chair peu ou point[1] ».

Un de ses auditeurs, qui entendit le saint à Bologne, nous confirme qu’il était d’extérieur « sale et vil ». Et tout le monde connaît cette page des Fioretti, le dialogue du maître et du beau Masseo.

Un jour, saint François, qui habitait à la Portioncule, revenait de la forêt, où il avait fait oraison ; frère Masseo, qui se trouvait à l’orée, apercevant le saint, voulut faire l’épreuve de son humilité. Il va à sa rencontre et, comme en plaisantant, lui dit : « Pourquoi ? Pourquoi, pourquoi toi plutôt qu’un autre ? » Saint François répondit : « Que veux-tu dire ? » — « Je veux dire, reprit Masseo, pourquoi tout le monde court-il après toi, et semble-t-il que chaque personne désire te voir, t’entendre et t’obéir ? Tu n’es pas beau, tu n’es ni très savant, ni très intelligent, tu n’es pas noble : d’où vient donc que tout le monde courre après toi ? »

Saint François, à ces mots, tout réjoui dans son cœur, leva les yeux au ciel, et demeura longtemps l’âme ravie en Dieu ; puis, se recueillant en lui-même, il s’agenouilla et rendit grâce. Ensuite, avec une grande ferveur d’esprit, il se tourna vers frère Masseo :

« Tu veux le savoir, dit-il, pourquoi tout le monde court après moi ? Je le dois aux regards du Dieu Très-Haut, qui contemple en tout lieu les bons et les méchants ; et parce que ses yeux très saints n’ont vu entre les pécheurs personne de

  1. Thomas de Celano, Legenda prima, cap. XXIX, édit. Edouard d’Alençon, Rome, 1906, p. 84. J’emprunte la traduction abrégée de Michelet, Histoire de France, vol. II, 1833, p. 538.