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de spectacles et d’observations, voyant, notant tout ce qui passe à portée de ses yeux, et jetant à mesure dans son œuvre ce trésor d’expériences. Il y a déjà dans ces fresques cette familiarité supérieure, cette vie naturelle et noble, cette bonhomie à la fois aisée et magnifique, qui seront un jour le meilleur des peintures de Ghirlandajo à Sainte-Marie-Nouvelle. Toute une ville pose devant l’artiste et ressuscite devant nous. Le trait deviendra plus explicite, le relief plus puissant, le pinceau se ressentira de l’apprentissage du médailleur et de l’orfèvre ; mais déjà l’essentiel est là. Il y a ici des airs de tête, des vieux à mine de sénateurs, de belles Ombriennes à figures de madones, aux beaux arrangements de coiffures et de mouchoirs, des gens d’armes, des hallebardiers, qui entreraient tels quels, comme morceaux de grand style, dans ce que le quattrocento nous a laissé de plus magistral. Personne, encore une fois, n’a pareillement accru le dictionnaire des formes, enrichi de plus de néologismes le répertoire des peintres. Tout cela s’exprime dans une langue diverse, raffinée, concise, d’un trait rapide et sûr qui saisit la réalité dans ses formes fuyantes, aussi habile à rendre les plis incertains d’une draperie qui se gonfle en se posant à terre, que le sérieux terrible d’un masque de cadavre, ou la crispation légère d’un visage de femme et le frémissement de petites lèvres sanglotantes qui se tendent pour un baiser. Par là le peintre, lui aussi, apparaît comme un magicien, maître de l’univers, disposant de tous les éléments pour les combiner à son gré, maniant tour à tour la langue du conteur et celle du psychologue, celle du dramaturge et de l’orateur funèbre, mais surtout admirable pour tirer l’art des abstractions, pour le ramener sur la terre, pour le mettre, en quelque manière, de plain-pied avec la nature, comme