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Autour de cette immense et émouvante comédie, l’artiste restitue le décor. Voici la place d’Assise, telle qu’elle se voit toujours avec sa petite tour féodale et le portique classique de son temple de la Minerve, où Goethe, sur le chemin de Rome, voulut faire ses dévotions. Voici la façade du Latran et la spirale de marbre de la colonne Trajane. Ici, c’est la pénombre d’une chapelle en ruines où se penche le vieux crucifix byzantin, le même qu’on montre encore à l’église Sainte-Claire, archaïque et grossier, dans le style patibulaire de Margaritone ou de Coppo di Marcovaldo. Là, c’est une ville italienne, serrée dans ses remparts, avec ses toits plats se chevauchant comme des tuiles, ses loggias, ses fenêtres à colonnettes, son profil hérissé de tours, pareil à une herse retournée en plein champ au sommet d’une colline. Ailleurs, un intérieur d’église aperçu de l’autel, derrière la clôture du chœur : on voit la perspective piquante de l’ambon, des icônes sur l’iconostase, le châssis de la grande croix oblique maintenue par un tirant de fer. Et partout, dans les ornements, dans la décoration, dans les meubles, dans les édifices, dans les mosaïques des tympans, des gables et des pinacles, dans les enroulements polychromes des colonnes torses, respire le sourire brillant de la Renaissance romaine.

Ce dut être pour le jeune maître une heure inoubliable que celle où, repoussant toutes les vieilleries, les leçons du passé, ses règles, ses canons, il ouvrit les portes toutes grandes à la réalité, et fit de l’art le reflet de la vaste nature. Il avait suffi que dans ce brouillard d’abstractions et de fantômes, une seule figure humaine et vivante apparût, pour que tout le système byzantin s’écroulât, et que tout le réel passât par cette brèche. On se figure l’artiste dans la fièvre de ce changement à vue : allant, venant de la rue à ses échafaudages, insatiable