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le reconnaît, le principe du moyen âge. Il synthétise, recompose, il tend sans cesse au « type » : il aperçoit la vie sous l’aspect de l’éternité.

Quant au choix des sujets, nous n’avons pas à ce propos de documents positifs : mais il faudrait tout ignorer des habitudes du moyen âge pour croire que les frères s’en soient remis au caprice de l’artiste. Je ne sais quel choix ce dernier aurait fait de lui-même ; mais celui qu’on a fait n’est pas celui que nous ferions. Dans l’ensemble, même sans savoir un mot de la légende, on comprend qu’il s’agit d’un personnage considérable, que nous voyons souvent en conférence avec le pape, présidant des assemblées et chapitrant ses frères : il était naturel que cette histoire officielle et ces Acta de l’ordre, l’approbation de la règle, la confirmation du Saint-Siège, fussent mis en évidence dans l’église-mère de l’Institut. On voit encore un thaumaturge, un faiseur de prodiges, doué sur la nature de pouvoirs extraordinaires[1] : ici, il chasse les démons ; là, il s’élève comme Élie sur un char de feu ; ailleurs, il fait jaillir une source comme Moïse ; plus loin, il ressuscite une morte ; dans une autre occasion, il annonce sa mort à un homme qui tombe foudroyé. Nous saisissons chemin faisant qu’il entretenait des rapports d’un ordre particulier avec le reste de l’univers, puisqu’à un endroit, dans un champ,

  1. C’est ce côté qui a évidemment le plus frappé les contemporains. Par exemple, le tableau byzantin de l’église inférieure d’Assise, que Thode et Venturi datent de 1250 à 1253, montre autour du portrait du saint quatre scènes qui sont des miracles arrivés sur sa tombe. C’est, si j’ose dire, une sorte de « réclame » hagiographique. On lit dans le vieux poème publié par Cristofani : « À cette tombe sacrée, souvent le lépreux obtient sa cure, le malade guérit, les morts reviennent à la vie. Ici disparaît le tremblement du paralytique, la tumeur de l’hydropique, l’ardeur mystérieuse de la fièvre, la lente glace de la léthargie, l’horrible épilepsie. À cette tombe célèbre accourent les aveugles et les boiteux, et les sourds et les muets ; et communément ici l’aveugle voit le boiteux qui se met à danser, et les sourds entendent les muets devenus éloquents ». Cristofani, Il più antico poema della vita di S. Francesco d’Assisi scritto innanzi all’anno 1230, Prato, 1882.