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merce qu’il a cru y apercevoir, n’a pas craint de prononcer que la Colchide était la Hollande des anciens[1].

Mœurs des naturels du pays.

Mais ce n’est qu’au milieu de l’obscurité des conjectures ou des traditions qu’on voit briller les richesses de la Colchide ; et son histoire authentique n’offre qu’un tableau continu de misère et de grossièreté. Si on parlait cent trente langues dans le marché de Dioscurias[2], c’étaient les idiomes imparfaits d’autant de tribus ou de familles sauvages séparées l’une de l’autre dans les vallées du Caucase ; et leur séparation, qui diminuait l’importance de leurs rustiques capitales, doit en avoir augmenté le nombre. Aujourd’hui un village de la Mingrélie n’est qu’un assemblage de huttes environnées d’une haie de bois ; les forteresses sont situées au fond des forêts : la ville principale, qu’on nomme Cyta ou Cotatis, est composée de deux cents maisons ; mais il n’appartient qu’aux rois de s’élever jusqu’à l’excès de magnificence que suppose un bâtiment en pierres. Douze navires de Constantinople, et environ soixante barques chargées des produits de l’industrie du pays, mouillent chaque année sur la côte ; et la liste des

  1. Bougainville (Mém. de l’Acad. des inscr., t. XXVI, p. 33), sur le Voyage d’Hannon et le Commerce de l’antiquité.
  2. Un historien grec, Timosthènes, avait affirmé, in eam CCC nationes dissimilibus linguis descendere ; et le modeste Pline se contente d’ajouter : et a postea a nostris CXXX interpretibus negotia ibi gesta (VI, 5) ; mais ensuite le mot nunc deserta couvre une multitude d’anciennes fictions.