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troubles et de sang. N’a-t-il pas attenté aux priviléges de l’Arménie, à l’indépendance de Colchos, et à la sauvage liberté des montagnes Tzaniennes ? N’a-t-il pas envahi avec la même avidité la ville de Bosphore sur les Méotides glacées, et la vallée des Palmiers sur les côtes de la mer Rouge ? Les Maures, les Vandales et les Goths ont été opprimés tour à tour ; et chaque nation a vu d’un œil tranquille la ruine de ses voisins. Prince, saisissez le moment favorable : l’Orient n’est pas défendu, et les armées de Justinien se trouvent avec son célèbre général dans les régions éloignées de l’Occident. Si vous hésitez et si vous différez, Bélisaire et ses troupes victorieuses reviendront des bords du Tibre aux rivages du Tigre, et il ne restera plus à la Perse que la misérable consolation d’être dévorée la dernière[1]. » Ces raisons déterminèrent aisément Chosroès à suivre l’exemple qu’il désapprouvait ; mais ce roi, ambitieux de la gloire militaire, dédaigna d’imiter un rival qui, tranquille et en sûreté, donnait ses ordres sanglans du fond de son palais de Byzance.

Il envahit la Syrie. A. D. 540.

Quels que fussent les sujets de plainte de Chosroès, il abusa de la confiance des traités, et l’éclat de ses victoires[2] put seul couvrir les reproches

  1. J’ai réuni dans une courte harangue les deux discours des Arsacides de l’Arménie et des ambassadeurs des Goths. Procope dans son histoire publique paraît convaincu que Justinien donna véritablement lieu à cette guerre. Persic., l. II, c. 2, 3.
  2. Procope raconte en détail et sans lacunes, l’invasion